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TROISIÈME ENNÉADE.


de toutes choses, pour nous servir de l’expression par laquelle ils désignent le principe qui joue le rôle de sujet[1].

Par le nom qu’ils lui donnent, ils veulent faire voir que la matière n’est pas tout à fait semblable à une mère. À ceux qui désirent connaître ces choses avec exactitude au lieu de se contenter d’une examen superficiel, ils ont montré d’une manière éloignée sans doute, mais aussi précise qu’ils le pouvaient, que la matière est stérile, qu’elle ne remplit pas complètement la fonction d’une femme, qu’elle en joue le rôle sous ce rapport seulement qu’elle reçoit, mais sans concourir en aucune façon à l’acte de la génération ; ils l’ont montré, dis-je, en ce sens que ceux qui entourent Rhéa ne sont pas des femmes et ne sont pas non plus des hommes, puisqu’ils n’ont aucun pouvoir d’engendrer : car ils ont perdu par la castration une faculté qui n’appartient qu’à l’homme dont la virilité est intacte.

    établi dans ses notes, auxquelles nous renvoyons : ἀγόνων, eunuques, s’explique par les derniers mots du § 19, ἀποπτμημίνον δὲ πάσης τῆς τοῦ γεννᾷν δυνάμεως, puisqu’ils n’ont aucun pouvoir d’engendrer, et indique les prêtres appelés Galli (Γάλλοι, εὐνοῦχοι ἀπόϰοποι, σπάδονες) ; par μητέρα πάντων, mère de toutes choses, Plotin désigne la matière ; parce que selon lui Rhéa (Ῥέα ou Ῥεία) est un nom dérivé de ῥέω, couler, et désigne la matière qui est dans un flux perpétuel, ὕλη ῥευστή (Enn. V, liv. I, § 7).

  1. L’idée que Plotin développe ici a été reproduite par Maïmonide : « Les savants païens de l’antiquité s’exprimaient sur les principes des choses d’une manière obscure et énigmatique. C’est ainsi que Platon et d’autres avant lui appelaient la matière la femelle, et la forme le mâle. » (Guide des égarés, trad. de M. Munk, t. I, p. 68.) M. Munk fait avec raison remarquer dans une note que l’expression dont se sert Maïmonide ne se trouve pas dans Platon et a dû être tirée d’un philosophe néoplatonicien. On voit que cette conjecture est parfaitement juste, et que la citation de Maïmonide est évidemment empruntée à Plotin, d’autant plus que l’auteur juif rapporte ces mots comme un exemple d’allégorie, ce qui s’accorde parfaitement avec notre texte. Les auteurs juifs et arabes du moyen âge paraissent avoir souvent confondu Plotin avec Platon.