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LIVRE SEPTIÈME.


ment, ni intervalle. En contemplant ainsi toutes ces choses, on contemple l’éternité, on voit une vie qui est permanente dans son identité, qui possède toujours toutes choses présentes, qui n’a pas successivement d’abord l’une, puis l’autre, mais toutes à la fois ; qui n’est pas tantôt d’une façon et tantôt d’une autre, mais qui possède une perfection accomplie et indivisible. Elle contient donc toutes choses à la fois, comme en un seul point, sans qu’aucune d’elles s’écoule[1] ; elle demeure dans l’identité, c’est-à-dire en elle même, et ne subit aucun changement. Étant toujours dans le présent, parce qu’elle n’a jamais rien perdu et qu’elle n’acquerra jamais rien, elle est toujours ce qu’elle est. L’éternité n’est pas l’Être intelligible ; elle est la lumière qui rayonne de cet Être, dont l’identité exclut complètement le futur et n’admet que l’existence actuelle, laquelle reste ce qu’elle est et ne change pas.

Quelle chose en effet l’Être intelligible pourrait-il avoir plus tard qu’il n’ait déjà ? Que pourrait-il être dans l’avenir

  1. « Ad quam [Sapientiam] pertinent ea quæ nec fuerunt, nec futura sunt, sed sunt ; et propter æternitatem in qua sunt, et fuisse, et esse, et futura esse dicuntur, sine alla mutabilitate temporum. Non enim sic fuerunt ut esse desinerent, aut sic futura sunt quasi nunc non sint, sed id ipsum esse semper habuerunt semperque habitura sunt. Manent autem, non tanquam in spatiis locorum fixa veluti corpora, sed in natura incorporali sic intelligibilia præsto sunt mentis aspectibus, sicut ita in locis visibilia vel contrectabilia corporis sensibus. » (S. Augustin, De Trinitate, XII, 14.) La même pensée se trouve dans Fénelon : « Dieu, qui se connaît de cette connaissance parfaite que je nomme compréhension, ne se contemple point successivement et par une suite de pensées réfléchies. Comme Dieu est souverainement un, sa pensée, qui est lui-même, est aussi souverainement une. Comme il est infini, sa pensée est infinie ; une pensée simple, indivisible et infinie, ne peut avoir aucune succession ; il n’y a donc dans cette pensée aucune des propriétés du temps, qui est une existence bornée, divisible et changeante, etc. » (De l’Existence de Dieu, II, chap. 5, § 5.) Voy. aussi les fragments de Porphyre, t. I, p. LXXI-LXXII.