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TROISIÈME ENNÉADE.


qu’il ne soit maintenant ? Il n’y a rien qu’on puisse ajouter ou retrancher à son état présent : car il n’était pas autre que ce qu’il est, il ne doit rien posséder qu’il ne possède actuellement et nécessairement, en sorte qu’on ne dira point de lui : il était ; car quelle chose avait-il et n’a-t-il plus ? On ne dira pas davantage de lui : il sera ; car que pourrait-il acquérir ? Reste donc qu’il continue d’être ce qu’il est. Or, ce dont on ne peut dire : il était, il sera, mais seulement, il est ; ce dont l’existence est immuable, parce que le passé ne lui a rien fait perdre et que l’avenir ne lui fera rien acquérir, c’est là ce qui possède l’éternité[1]. Ainsi, quand on examine l’existence de l’Être intelligible, on voit que sa vie est tout entière à la fois, complète et sans aucune espèce

  1. « Les jours, les nuits, les mois, les années, n’étaient pas avant que le ciel fût né, et ce fut en organisant le ciel que Dieu même procura leur naissance. Ce sont là des parties du temps, et ces expressions avoir été, devoir être, désignent des espèces du temps qui a commencé, quoique, sans y penser, nous les appliquions à l’existence éternelle, à laquelle elles ne conviennent pas. Ainsi, nous disons qu’elle est, et qu’elle a été et qu’elle sera ; mais, à parler exactement, tout ce qu’il faut dire, c’est qu’elle est, tandis qu’avoir été et devoir être ne peuvent se dire que de la production qui marche dans le temps : car ces deux mots expriment des mouvements. » (Platon, Timée, p. 137 ; trad. de M. H. Martin, p. 103.) Saint Augustin s’exprime sur ce sujet dans les mêmes termes que Platon et que Plotin : « Æternitas ipsa Dei substantia est, quæ nihil habet mutabile. Ibi nihil est prœteritum quasi jam non sit, nihil est futurum quasi nondum sit, sed non est ibi nisi est. Non est ibi fuit et erit, quia et quod fuit, jam non est, et quod erit nondum est, sed quidquid ibi est non nisi est. » (In Psalmum CI.) Cette conception de l’éternité, que saint Augustin a développée dans le livre XI de ses Confessions, a été reproduite par Fénelon, dans son traité de l’Existence de Dieu (II, ch. 5, § 3), « C’est retomber dans l’idée du temps et vouloir confondre tout, que de vouloir encore imaginer en Dieu rien qui ait rapport à une succession. En lui rien ne dure, parce que rien ne passe ; tout est fixe, tout est à la fois, tout est immobile. En Dieu, rien n’a été, rien ne sera, mais tout est, etc. »