Page:Plotin - Ennéades, t. II.djvu/230

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
180
TROISIÈME ENNÉADE.


qu’il ne saurait être autre dans la suite ; en sorte que, si l’on vient à le contempler de nouveau, on le trouvera toujours semblable à lui-même. Donc, si l’on ne cesse jamais de le contempler, qu’on lui reste uni en admirant sa nature, et que l’on montre ainsi dans cet acte une nature infatigable, on s’élèvera soi-même à l’éternité ; mais il faut, pour être éternel comme l’Être, ne se laisser distraire par rien en contemplant l’Éternité et la nature éternelle dans l’Éternel même[1]. Si ce qui existe de cette manière est éternel et existe toujours, il en résulte que ce qui ne s’abaisse jamais à une nature inférieure, ce qui possède la vie dans sa plénitude, sans avoir jamais reçu, ni recevoir, ni devoir recevoir rien, il en résulte, dis-je, que ce qui existe de cette manière est perpétuel (ἀίδιον). La perpétuité est la propriété constitutive d’une pareille substance ; elle est d’elle et en elle[2]. L’Éternité est la substance en qui se manifeste cette propriété. Il en résulte que la raison nous dit que l’Éternité est une chose vénérable, qu’elle est identique avec Dieu[3], c’est-à-dire avec ce Dieu [qui est l’Être intelligible][4]. On peut affirmer en effet que l’Éternité est Dieu qui se

  1. « Avant qu’il y ait des choses qui ne sont pas toujours les mêmes, il y en a une qui, toujours la même, ne souffre point de déclin ; et celle-là non-seulement est, mais encore elle est toujours connue, quoique non toujours démêlée ni distinguée faute d’attention. Mais quand, recueillis en nous-mêmes, nous nous rendrons attentifs aux immortelles idées dont nous portons en nous-mêmes la vérité, nous trouverons que la perfection est ce que l’on connaît le premier, puisque, comme nous avons vu, on ne connaît le défaut que par la déchéance de la perfection. » (Bossuet, 1re semaine, 2e élévation.) C’est parce que l’imparfait est, comme le dit Bossuet, une déchéance du parfait, que Plotin traite de l’éternité avant de traiter du temps.
  2. Voy. Aristote, Du Ciel, I, 9, p. 25.
  3. Voy. Proclus, Commentaire sur le Parménide, t. VI, p. 100, éd. Cousin.
  4. Au lieu de τραὐτὸν τῷ θεῷ, nous lisons avec M. Kirchhoff : λέγει δὲ τούτῳ τῷ θέῳ, leçon conforme à la traduction de Ficin.