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LIVRE SEPTIÈME.


effet, comment le nombre peut-il être en lui à moins qu’on ne prenne une portion de temps pour le mesurer ? De là résulte que le temps existe avant d’être mesuré. Mais pourquoi le temps n’existerait-il pas avant qu’il existât une âme pour le mesurer ? On dira peut-être qu’il est engendré par l’âme. Il n’est pas nécessaire qu’il soit engendré par l’âme par cela seul qu’elle le mesure : il existerait, avec la quantité qui lui est propre, lors même que personne ne le mesurerait. Si l’on dit enfin que c’est l’âme qui se sert de l’étendue pour mesurer le temps, nous répondrons que ce point n’est d’aucune importance pour déterminer la notion du temps.

IX. Dire que le temps est une conséquence du mouvement[1], ce n’est pas expliquer ce qu’il est ; on ne pourrait le faire qu’en définissant préalablement ce que c’est qu’une conséquence du mouvement. Au reste, cette prétendue conséquence du mouvement (en admettant toutefois qu’il puisse y avoir une conséquence de cette espèce) doit lui être antérieure, simultanée ou postérieure : car, de quelque façon qu’on la conçoive, elle est dans le temps ; par conséquent, si la conséquence du mouvement est le temps, il en résulte que le temps est une conséquence du mouvement dans le temps [ce qui n’a point de sens].

Maintenant, comme nous avons pour but de déterminer, non ce que le temps n’est pas, mais ce qu’il est réellement, nous remarquerons que cette question a été longuement traitée par beaucoup de personnes avant nous ; aussi serait-on obligé de faire une véritable histoire, si l’on entreprenait de passer en revue toutes les opinions. Pour nous, nous avons parlé sur ce sujet aussi longuement que nous le pouvions en nous bornant à l’effleurer. D’après ce que

  1. « Épicure disait que le temps est un accident (σύμπτωμα), c’est-à-dire une conséquence (παραϰολούθημα) du mouvement. » (Stobée, Eclogœ physicœ, IX, § 40, p. 250.)