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TROISIÈME ENNÉADE.


Ainsi, l’extension de la vie de l’Âme produit le temps, la progression perpétuelle de sa vie fait la perpétuité du temps, et sa vie antérieure constitue le passé. On peut donc avec justesse définir le temps la vie de l’Âme considérée dans le mouvement par lequel elle passe d’un acte à un autre[1].

Puisque l’éternité est la vie caractérisée par le repos, l’identité, l’immutabilité, l’infinité, si le temps est son image, comme ce monde est l’image du monde supérieur, il faut reconnaître qu’il doit y avoir dans ce monde, au lieu de la vie propre à l’Intelligence, une autre vie qui porte le même nom et qui appartienne à cette puissance de l’Âme universelle ; au lieu du mouvement de l’Intelligence, le mouvement propre à une partie de l’Âme[2] ; au lieu de la permanence, de l’identité, de l’immutabilité [de l’Intelligence], la mobilité d’un principe qui passe sans cesse d’un

  1. Εἰ οὖν χρόνον τις λέγοι ψυχῆς ἐν ϰινήσει μεταϐατιϰῇ ἐξ ἄλλου εἰς ἄλλον ϐίον ζωὴν εἶναι, ϰ. τ. λ. Ici ϐίος signifie action (Creuzer, Notes, t. III, p. 193). Cette fin du § 10 est citée textuellement par Simplicius, Commentaire sur la Physique d’Aristote, p. 187. Voy. aussi Proclus, Théologie selon Platon, III, 18, p. 149. Fénelon se rencontre encore ici avec la définition de Plotin : « Aussitôt que j’ai reconnu que la créature est essentiellement bornée, et changeante par la mutabilité de ses bornes, je trouve ce que c’est que le temps. Le temps, sans en chercher une définition plus exacte, est le changement de la créature. Qui dit changement dit succession : car ce qui change passe nécessairement d’un état à un autre ; l’état d’où l’on sort précède, et celui où l’on entre suit. Le temps est le changement de l’être créé ; le temps est la négation d’une chose très-réelle et souverainement positive, qui est la permanence de l’être : ce qui est permanent d’une absolue permanence n’a en soi ni avant ni après, ni plus tôt ni plus tard. La non-permanence est le changement ; c’est la défaillance de l’être, ou la mutation d’une manière en une autre ; mais enfin, toute mutation renferme une succession, et toute existence bornée emporte une durée divisible et plus ou moins longue. » (De l’Existence de Dieu, II, ch. 5, § 3.)
  2. L’Âme universelle passe sans cesse d’une pensée à une autre.