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LIVRE SEPTIÈME.


acte à un autre ; au lieu de l’unité et de l’absence de toute étendue, une simple image de l’unité, image qui n’est une que par la continuité ; au lieu d’une infinité déjà présente tout entière, une progression à l’infini qui tend perpétuellement vers ce qui suit ; au lieu de ce qui est tout entier à la fois, ce qui sera par parties et ne sera jamais tout entier à la fois[1]. Pour offrir l’image de la vie complète, universelle, infinie de l’Intelligence, il faut que l’Âme ait pour existence d’acquérir sans cesse l’existence ; c’est ainsi qu’elle peut représenter par son essence l’essence intelligible.

Le temps n’est donc pas extérieur à l’Âme, pas plus que l’éternité ne l’est à l’Être ; il n’en est pas non plus une conséquence ni un résultat, pas plus que l’éternité n’est une conséquence de l’Être. Il apparaît dans l’Âme, il est en

  1. Voy. Proclus, Éléments de Théologie, § LV. Boëce dit aussi : « Nam quidquid vivit in tempore, id præsens a præteritis in futura procedit, nihilque est in tempore constitutum quod totum vitæ suæ spatium pariter possit amplecti ; sed crastinum quidem non dum apprehendit, hesternum vero jam perdidit. In hodierna quoque vita jam non amplius vivitis quam in illo mobili transitorioque momento. Quod igitur temporis patitur conditionem, licet illud, sicut de mundo censuit Aristoteles, nec cœperit unquam esse, nec desinat, vitaque ejus cum temporis infinitate tendatur, nondum tamen tale est ut æternum esse jure credatur. Non enim totum simul infinitæ licet vitæ spatium comprehendit atque complectitur ; sed futura nondum transacta jam non habet. » (De Consolatione philosophiæ, V, 6.) Fénelon dit dans le même sens : « Il est donc certain que tout est successif dans la créature, non-seulement la variété des modifications, mais encore le mouvement continuel d’une existence bornée. Cette non-permanence de l’être créé est ce que j’appelle le temps. Ainsi, loin de vouloir connaître l’éternité par le temps, comme je suis tenté de le faire, il faut au contraire connaître le temps par l’éternité : car on peut connaître le fini par l’infini, en mettant une borne ou négation ; mais on ne peut jamais connaître l’infini par le fini : car une borne ou négation ne donne aucune idée de ce qui est souverainement positif. » (De l’Existence de Dieu, II, ch. 5, § 3.)