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LIVRE SEPTIÈME.


manifesté à notre intelligence, mais non engendré par le mouvement et le repos régulier, surtout par le mouvement. Le mouvement en effet nous amène mieux que le repos à concevoir le temps, et il est plus facile d’apprécier la durée du mouvement que celle du repos. C’est ce qui a conduit des philosophes à définir le temps la mesure du mouvement, au lieu de dire, ce qui était probablement leur pensée, que le temps est mesuré par le mouvement[1]. Il faut donc ajouter ce qu’est en soi la chose mesurée par le mouvement, et ne pas se borner à énoncer ce qui ne lui convient que par accident, surtout ne pas regarder cette définition comme adéquate. Peut-être ces philosophes n’ont-ils pas eux-mêmes regardé cette définition comme adéquate. Quant à nous, nous ne nous sommes pas aperçu que telle fût leur opinion, et, comme ils ont évidemment placé la mesure dans la chose mesurée, nous n’avons pu comprendre leur doctrine. Ce qui nous a empêché de les comprendre, c’est que, s’adressant sans doute à des personnes instruites de leur doctrine ou à des auditeurs bien préparés, ils n’expliquent pas dans leurs écrits en quoi consiste le temps considéré en lui-même, s’il est la mesure ou la chose mesurée.

Quant à Platon lui-même, il dit, non que le temps a pour essence d’être une mesure ou d’être mesuré, mais que pour le faire connaître il y a dans le mouvement circulaire de

    ordre des coexistences, comme le temps est un ordre des successions. (Lettres de Leibnitz à Clarke, III, § 3, 4.) On objecte que le temps ne saurait être un ordre des choses successives parce que la quantité du temps peut devenir plus grande ou plus petite, l’ordre des successions demeurant le même. Je réponds que cela n’est point : car si le temps est plus grand, il y a plus d’états successifs pareils interposés ; et s’il est plus petit, il y en aura moins, puisqu’il n’y a point de vide ni de condensation ou de pénétration, pour ainsi dire, dans les temps non plus que dans les lieux. » (Ibid., V, § 105.)

  1. Ce passage est cité par Simplicius, dans son Commentaire sur la Physique d’Aristote, p. 187.