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TROISIÈME ENNÉADE.


l’univers un élément très-court [l’intervalle d’un jour] destiné à faire saisir la plus petite portion du temps[1] ; c’est par là que nous pouvons découvrir l’essence et la quantité du temps. Pour nous en indiquer l’essence, Platon dit qu’il est né avec le ciel et qu’il est l’image mobile de l’éternité[2]. Le temps est mobile, parce qu’il n’a pas plus de permanence que la vie de l’Âme universelle, qu’il passe et s’écoule avec elle ; il est né avec le ciel, parce que c’est une seule et même vie qui produit à la fois le ciel et le temps. Si, en admettant que cela fût possible, la vie de l’Âme était ramenée à l’unité [de l’Intelligence], aussitôt cesseraient d’être le temps, qui n’existe que dans cette vie, et le ciel, qui n’existe que par elle[3].

Si, considérant l’antérieur et le postérieur de ce mouvement et de cette vie inférieure, on affirmait que c’est là le temps, on tomberait dans le ridicule en admettant d’un côté que [l’antérieur et le postérieur de cette vie sensible] sont quelque chose, et en refusant d’un autre côté de reconnaître comme quelque chose de réel un mouvement plus vrai, qui renferme en soi l’antérieur et le postérieur. En effet, ce serait accorder à un mouvement inanimé le privilége de contenir en soi l’antérieur avec le postérieur, c’est-à-dire le temps, et le refuser au mouvement [de l’Âme], dont le mouvement de la sphère universelle n’est qu’une image. C’est cependant du mouvement [propre à l’Âme] que sont émanés primitivement l’antérieur et le postérieur, parce que ce mouvement est efficace par lui-même ; en produisant tous ses actes, il engendre la succession, et, en même temps qu’il engendre la succession, il produit le passage d’un acte à un autre.

Pourquoi ramenons-nous le mouvement de l’univers au mouvement [de l’Âme] qui l’embrasse, et avouons-nous qu’il est dans le temps, tandis que nous ne plaçons pas dans

  1. Voy. Platon, Timée, p. 38.
  2. Voy. ci-dessus, p. 172, note 1, et p. 204, note 1.
  3. Voy. ci-dessus, § 11, p. 200.