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LIVRE HUITIÈME.


dans les animaux et les plantes, ce sont les raisons qui produisent[1], que la Nature est une raison qui produit une autre raison, en donnant quelque chose d’elle-même au sujet soumis à son influence, tout en demeurant en elle-même. La raison qui consiste dans une forme visible (μορφὴ ὁρωμένη) occupe le dernier rang ; elle est morte et ne produit rien. La raison vivante [qui administre le corps de l’être vivant], étant sœur de la raison qui a produit la forme visible [en engendrant le corps de l’être vivant], et possédant la même puissance que cette raison, produit seule dans l’être engendré[2].

II. Comment la Nature produit-elle, et comment, en produisant ainsi, arrive-t-elle à la contemplation ? Puisqu’elle produit en demeurant immobile en elle-même et qu’elle est une raison, elle est une contemplation. Toute action en effet est produite selon une raison, par conséquent en diffère. La raison assiste et préside à l’action, par conséquent n’est pas une action. Puisque la raison n’est pas une action, elle est une contemplation. Dans la Raison universelle, la raison qui tient le dernier rang procède elle-même de la contemplation, et mérite encore le nom de contemplation en ce sens qu’elle est le produit de la contemplation de l’Âme]. Quant à la Raison universelle, qui est supérieure à cette dernière raison, elle peut être considérée sous deux points de vue, comme Âme et comme Nature[3]. [Commençons par la nature.]

La Raison considérée comme Nature dérive-t-elle aussi de la contemplation ? Oui, mais à la condition qu’elle se soit elle-même en quelque sorte contemplée : car elle est le produit d’une contemplation et d’un principe qui a con-

  1. Voy. ci-après, Enn. IV, liv. III, § 10.
  2. Pour comprendre cette phrase, il faut se rappeler ce principe : « L’homme naît de la raison séminale de l’homme. » (Enn. II, liv. III, § 13 ; t. I, p. 182.)
  3. Voy. ci-après, p. 217, note 1.