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LIVRE NEUVIÈME.


effet aspirerait-il ? Il ne se pense pas lui-même ; si l’on dit qu’il se pense, c’est en ce sens qu’il se possède. Mais, quand on dit qu’une chose pense, ce n’est pas parce qu’elle se possède, c’est parce qu’elle contemple le Premier ; c’est là le premier acte, la Pensée même, la Pensée première, à laquelle nulle autre ne doit être antérieure ; seulement, elle est inférieure au principe de qui elle tient l’existence et elle occupe le second rang après lui. La pensée n’est donc pas ce qu’il y a de plus saint ; par conséquent, toute pensée n’est pas sainte ; il n’y a de pensée sainte que celle du Bien, et celui-ci est supérieur à la pensée[1].

Mais le Bien n’aura-t-il pas conscience de lui-même ? — Quoi ? le Bien ne sera-t-il le Bien que s’il a conscience de lui-même ? S’il est le Bien, il est le Bien avant d’avoir conscience de lui-même. Si le Bien n’est le Bien que parce qu’il a conscience de lui-même, il n’était donc pas le Bien avant d’avoir eu conscience de lui-même ; mais, d’un autre côté, si le Bien n’est pas, il n’y a pas de conscience possible du Bien.

Le Premier [demandera-t-on encore] ne vit-il pas ? — On ne peut dire qu’il vit, puisqu’il donne lui-même la vie.

Ainsi le principe qui a conscience de lui-même, qui se pense lui-même [c’est-à-dire l’Intelligence], n’occupe que le second rang. En effet, si ce principe a conscience de lui-même, c’est pour s’unir à lui-même par cet acte de conscience ; mais s’il s’étudie, c’est qu’il s’ignore, c’est qu’il est défectueux par sa nature et qu’il ne devient parfait que par la pensée. Il ne faut donc pas attribuer au Premier la pensée : car, lui attribuer quelque chose, c’est supposer qu’il en est privé et qu’il en a besoin[2].

  1. Voy. ci-dessus p. 246, note 2.
  2. Voici les réflexions que le P. Thomassin fait sur cette théorie : « Et quidem in promptu est ratio cur primo Principio vix tribui debeat intelligentsia. Nempe ipsa natura et vis intelligentiæ tota pertinet ad ves-