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QUATRIÈME ENNÉADE.


parce qu’elle est plus étroitement attachée aux choses intelligibles : car les âmes qui inclinent vers elles ont plus de puissance ; en se maintenant dans cette région tranquille, elles agissent avec plus de facilité ; or, c’est le signe d’une plus grande puissance d’agir sans pâtir. Ainsi, la puissance suspendue au monde intelligible demeure en elle-même, et, en demeurant en elle-même, elle produit. Les autres âmes, descendant[1] vers les corps, s’éloignent du monde intelligible et tombent dans l’abîme [de la matière]. Peut-être aussi l’élément multiple qui est en elles, se trouvant porté vers les régions inférieures, y a entraîné les conceptions de ces âmes et les a fait descendre ici-bas. En effet, la distinction du second et du troisième rang[2] pour les âmes doit s’entendre en ce sens que les unes sont plus près, les autres plus loin du monde intelligible. De même, parmi nous, toutes les âmes ne sont pas également disposées à l’égard de ce monde : les unes parviennent à s’y unir ; d’autres s’en rapprochent par leurs aspirations ; d’autres enfin y réussissent moins, parce qu’elles ne se servent pas des mêmes facultés et que les unes emploient la première, les autres la seconde, celles-là la troisième[3], quoiqu’elles possèdent également toutes ces puissances.

VII. Voilà ce que nous croyons vrai sur ce sujet. Quant au passage du Philèbe [cité § 1], il pourrait faire croire que toutes les âmes sont des parties de l’Âme universelle. Ce n’en est point là cependant le sens véritable, comme quelques-uns le croient ; il signifie seulement ce que Platon voulait établir en cet endroit, savoir que le ciel est animé. Platon le prouve en disant qu’il serait absurde de

  1. Taylor lit avec Ficin προῆλθον, processerunt, au lieu de προσῆλθον, accesserunt. Cette correction ne semble pas nécessaire à MM. Creuzer et Kirchhoff.
  2. Plotin fait ici allusion à un passage du Timée de Platon que nous avons cité dans le tome I, p. 469. Il revient encore sur cette idée dans le § 7.
  3. Voy. ci-après le commencement du § 8.