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QUATRIÈME ENNÉADE.


embelli par la Raison en vertu de la puissance que l’Âme universelle tout entière a par elle-même d’embellir la matière au moyen des raisons, comme les raisons séminales (οἱ ἐν σπέρματι λόγοι) façonnent et forment elles-mêmes les animaux et en font de petits mondes (μιϰροὶ ϰόσμοι). L’Âme donne à tout ce qu’elle touche une forme selon sa nature ; elle produit sans conception adventice, sans les lenteurs de la délibération ni celles de la détermination volontaire. Sinon, elle n’agirait plus selon sa nature, mais selon les préceptes d’un art emprunté. L’art en effet est postérieur à la nature : il l’imite en produisant d’obscures et faibles imitations de ses œuvres, des jouets sans prix ni mérite, et il emploie d’ailleurs un grand appareil de machines pour produire ces images[1]. L’Âme universelle, au contraire, dominant les corps par la vertu de son essence, les fait devenir et être ce qu’elle veut : car les choses mêmes qui existent depuis le commencement ne peuvent opposer de résistance à sa volonté. Souvent, dans les choses inférieures, par suite de l’obstacle qu’elles se font les unes aux autres, la matière ne reçoit pas la forme propre que la raison [séminale] contient en germe[2]. Mais, comme l’Âme universelle produit la forme universelle, et que toutes choses y sont coordonnées ensemble, l’œuvre est belle parce qu’elle est réalisée sans peine ni obstacle. Il y a dans l’univers des temples pour les dieux, des maisons pour les hommes, et d’autres objets adaptés aux besoins des autres êtres. Que pouvait en effet créer l’Âme, sinon ce qu’elle a la puissance de créer ? Comme le feu échauffe, comme la neige refroidit[3], l’Âme agit tantôt en elle-même, tantôt hors d’elle-même et sur d’autres objets. L’action que les êtres inanimés tirent d’eux-mêmes sommeille en quelque sorte en eux[4], et celle qu’ils

  1. Voy. ci-dessus, p. 211-212.
  2. Voy. t. I, p. 102,190.
  3. Voy. la même comparaison dans le tome I, p. 263, note 3.
  4. Voy. ci-dessus, p. 215, fin.