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LIVRE TROISIÈME.


exercent sur les autres consiste à rendre semblable à eux-mêmes ce qui peut pâtir. C’est en effet le caractère commun de tout être de rendre le reste semblable à soi. Quant à l’Âme, la puissance qu’elle a d’agir soit en elle, soit sur les autres choses, est une faculté vigilante. Elle communique la vie aux êtres qui ne l’ont point par eux-mêmes, et la vie qu’elle leur communique est semblable à sa propre vie. Or, vivant dans la Raison, elle donne au corps une raison, qui est une image de celle qu’elle-même possède : en effet, ce qu’elle communique aux corps est une image de la vie. Elle leur donne également les formes (μορφαὶ) dont elle possède les raisons. Or, elle possède les raisons de toutes choses, même des dieux[1]. C’est pourquoi le monde contient toutes choses.

XI. Les anciens sages, qui voulaient se rendre les dieux présents en fabriquant des statues[2], me paraissent avoir bien pénétré la nature de l’univers : ils ont compris que l’essence de l’Âme universelle est facile à attirer partout, qu’elle peut être aisément rendue présente dans toute chose disposée pour recevoir son action et pour participer ainsi quelque peu à sa puissance. Or une chose est toujours disposée à subir l’action de l’Âme quand elle se prête

  1. Sur la différence des dieux et des démons, Voy. ci-dessus, p. 112. Voy. encore ci-après, § 11, fin.
  2. Voy. Jamblique (De Mysteriis, I, 19) et Proclus (Scholia in Cratylum, § 51, p. 21, Boissonade). M. Vacherot, dans son Histoire de l’École d’Alexandrie (t. II, p. 396), cite sur ce sujet un passage remarquable d’Olympiodore : « Qu’on ne croie pas que les philosophes adorent des idoles, des pierres, comme des divinités ; mais, comme nous sommes soumis aux conditions de la sensibilité, et que nous ne pouvons atteindre aisément à la puissance incorporelle et immatérielle, les images ont été inventées pour en éveiller ou en rappeler le souvenir : en regardant ces images naturelles, en leur rendant hommage, nous pensons aux puissances qui échappent à nos sens. » Voy. aussi le passage d’Hermès cité par saint Augustin, Cité de Dieu, VIII, 23.