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QUATRIÈME ENNÉADE.


si un héraut l’appelait, et pénètre dans le corps préparé pour la recevoir, comme si elle était subjuguée et mise en mouvement par les forces et les attractions puissantes dont la magie fait usage[1]. C’est de la même manière que, dans un animal, la nature administre tous les organes, meut ou engendre chaque chose dans son temps, fait pousser la barbe ou les cornes, donne à l’être des penchants et des pouvoirs particuliers, lorsqu’ils deviennent nécessaires[2]) ; c’est de la même manière enfin que, dans les plantes, elle produit les fleurs ou les fruits au moment convenable. La descente des âmes dans les corps n’est ni volontaire ni forcée : elle n’est pas volontaire, puisqu’elle n’est pas choisie et consentie par les âmes ; elle n’est pas forcée, en ce sens que celles-ci n’obéissent qu’à une impulsion naturelle, comme on est porté soit au mariage, soit à l’accomplissement de certains actes honnêtes, plutôt par instinct que par raisonnement. Cependant, il y a toujours quelque chose de fatal pour chaque âme : celle-ci accomplit sa destinée à tel moment, celle-là à tel autre moment ; de même, l’Intelligence supérieure au monde a aussi quelque chose de fatal dans son existence, puisqu’elle a elle-même sa destinée, qui est de demeurer dans le monde intelligible et d’en faire rayonner sa lumière. C’est ainsi que les individus viennent ici-bas en vertu de la loi commune à laquelle ils sont soumis. Chacun en effet porte en lui-même cette loi commune, loi qui

  1. Voy. Enn. IV, liv. IV, § 24, 40, 43, et liv. IX, § 3.
  2. Voy. t. I, p. 189, note 4. On trouve la même idée dans saint Augustin : « On peut dire en un sens que, dès qu’il a été conçu, l’enfant possède tout ce qu’il doit acquérir : il le possède idéalement et en puissance, mais non en fait, de même que toutes les parties du corps humain sont contenues dans la semence, quoique plusieurs manquent aux enfants déjà nés, les dents, par exemple, et autres parties analogues. C’est dans cette raison séminale de la matière qu’est renfermé tout ce qu’on ne voit pas encore, tout ce qui doit paraître un jour. » (Cité de Dieu, XXII, 16 ; t. IV, p. 311 de la trad. de M. Saisset.)