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QUATRIÈME ENNÉADE.


sance appétitive, appartenant à l’âme sensitive et imaginative, sont au-dessous de la raison, parce qu’elles se rapportent à ce qu’il y a d’inférieur, tandis que la raison est en haut [est la puissance qui d’en haut dirige l’animal][1], il en résulte que les anciens ont placé la raison dans la partie la plus élevée de tout l’animal, dans la tête, non que la raison soit dans le cerveau[2], mais parce qu’elle a pour siége la puissance sensitive, par l’intermédiaire de laquelle elle réside dans le cerveau. Il fallait en effet attribuer la puissance sensitive au corps, et, dans le corps, aux organes les plus capables de se prêter à son action. Quant à la raison, qui n’a point de commerce avec le corps, elle devait être en commerce avec la puissance sensitive, qui est une forme de l’âme et peut participer à la raison[3] : car la puissance sensitive juge en quelque sorte, et la puissance imaginative a quelque chose d’intellectuel ; enfin, l’appétit (ὁρμή) et le désir (ὅρεξις) se rattachent à l’imagination et à la raison. La raison est donc dans la tête, non comme dans un lieu, mais parce qu’elle est en rapport avec la puissance sensitive qui réside dans cet organe, comme nous l’avons expliqué tout à l’heure.

Quant à la puissance végétative, nutritive et générative, comme elle exerce son action dans le corps tout entier,

  1. Voy. Enn. I, liv. I, § 7 ; t. I, p. 44.
  2. Plotin fait ici allusion au passage suivant de Platon : « Comme une partie de la moelle devait, ainsi qu’une terre labourée, recevoir en elle-même la semence divine [c’est-à-dire le principe immortel de l’Âme], il la fit ronde de toutes parts et donna à cette portion de la moelle le nom de cervelle [ou d’encéphale, ἐγϰέφαλον, de ἐν et de ϰεφαλή], parce que, dans chaque animal entièrement formé, la tête devait être le vase où elle serait contenue. » (Timée, p. 73 ; t. I, p. 197 de la trad. de M. H. Martin.) Cicéron a dit aussi : « Sensus autem interpretes ac nuntii rerum, in capite, tanquam in arce, mirifice ad usus necessarios et facti et collocati sunt. » (De natura Deorum, II, 56.)
  3. Voy. le passage de Bossuet cité dans les Éclaircissements du tome I, p. 341, note 1.