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QUATRIÈME ENNÉADE.


meure dans ce qui est capable de la recevoir et le suit là où par sa nature il peut exister et être engendré. Or, comme il y a des lieux divers, il est nécessaire que la différence [des demeures dans lesquelles les âmes viennent habiter] provienne de la disposition de chaque âme et de la justice qui règne sur les êtres. Nul en effet ne saurait échapper à la punition que méritent d’injustes actions. La loi divine est inévitable[1] et possède la puissance d’accomplir les jugements [rendus d’après ses décrets]. L’homme destiné à subir une peine est entraîné à son insu vers cette peine et ballotté çà et là[2] par un mouvement qui ne s’arrête pas ; enfin, comme fatigué de lutter contre les choses auxquelles il voulait résister, il se rend dans le lieu qui lui convient, et arrive par un mouvement volontaire à subir une souffrance involontaire. La loi prescrit la grandeur et la durée de la peine. Plus tard, par suite de l’harmonie qui régit tout dans l’univers, la fin du châtiment qu’endure l’âme concourt avec la faculté qu’elle reçoit de quitter les lieux où elle était.

Les âmes qui ont un corps sentent par cela même les châtiments corporels qu’elles subissent. Quant à celles qui sont pures, qui n’entraînent avec elles rien de corporel, elles ont nécessairement le privilége de n’être dans rien de corporel. Si elles ne sont dans rien de corporel (car elles n’ont pas de corps), elles résident là où est l’essence, l’être et le divin, c’est-à-dire en Dieu. C’est là, c’est en Dieu que l’âme pure habite, avec les essences intelligibles[3]. Si tu cherches encore où est une telle âme, cherche aussi où sont

  1. Voy. ci-dessus p. 291. Proclus, dans son Commentaire sur le Timée (p. 323), cite en ces termes ce passage de Plotin : « Le choix des vies, bon ou mauvais, est soumis à des lois fatales, et les âmes vont dans le lieu que leur assigne la loi qu’elles portent en elles-mêmes, comme le dit Plotin. »
  2. Il faut lire αἰωρούμενος, et non περιαγόμενος, comme le propose Taylor : c’est une expression empruntée à Platon (Ménéxène, p. 248).
  3. Le P. Thomassin cite et commente ce passage dans ses Dogmata theologica, t. I, p. 249.