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LIVRE TROISIÈME.


les intelligibles ; et si tu les cherches, ne les cherche pas avec les yeux comme si c’étaient des corps.

XXV. La mémoire soulève les questions suivantes[1] : Subsiste-t-elle généralement dans les âmes qui sont sorties d’ici-bas ? Subsiste-t-elle seulement dans quelques-unes ? Dans ce dernier cas, est-elle générale ou spéciale, durable ou passagère ? — Pour bien résoudre ces questions, il faut d’abord déterminer quel est en nous le principe auquel appartient la mémoire ; c’est-à-dire, il faut déterminer non ce qu’est la mémoire, mais en quelle espèce d’êtres elle doit exister en vertu de sa nature (car nous avons défini ailleurs la mémoire et nous en avons souvent parlé). Il est donc nécessaire de déterminer avec exactitude quel est en nous le principe auquel il est naturel de se souvenir[2].

Si la mémoire suppose soit une connaissance, soit une passion adventice, elle ne saurait être attribuée aux essences impassibles et placées en dehors du temps. Elle ne convient donc pas à Dieu, à l’Être et à l’Intelligence, qui existent en dehors du temps, qui sont éternels et immuables, qui n’ont ni avant ni après, qui demeurent toujours dans le même état, sans jamais éprouver aucun changement. Comment ce qui est identique et immuable pourrait-il faire usage de la mémoire, puisqu’il ne saurait acquérir ni garder une disposition différente de la précédente, ni avoir des pensées successives dont l’une serait présente et l’autre serait passée à l’état de souvenir[3] ?

  1. {{t|Septième question : Quelles sont les conditions de l’exercice de la Mémoire et de l’Imagination (§ 25-32) ?
  2. Ce passage rappelle le début du traité d’Aristote sur ce sujet : « Qu’est-ce que la mémoire ? Qu’est-ce que c’est que se souvenir ? Quelle est la cause de ces phénomènes ? Entre les parties diverses de l’âme, quelle est celle à laquelle se rapportent et cette faculté, et l’acte qui constitue le souvenir, la réminiscence ? » (De la Mémoire et de la Réminiscence, 1 ; trad. de M. Barthélemy-Saint-Hilaire, p. 109.)
  3. On