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LIVRE TROISIÈME.


réminiscence (μνημὴ, ἀνάμνησις)[1] l’acte par lequel l’âme pense aux choses qu’elle possède ; c’est là une espèce particulière de mémoire, tout à fait indépendante du temps.

Mais peut-être notre solution semble-t-elle être superficielle et ne pas reposer sur un examen assez approfondi de la question. On pourrait en effet demander si la mémoire et la réminiscence, au lieu d’appartenir à l’âme raisonnable, ne sont pas propres à l’âme inférieure, ou au composé de l’âme et du corps que nous appelons l’animal. Si elles appartiennent à l’âme inférieure, d’où tient-elle ce qu’elle possède et comment le possède-t-elle ? Même question, si c’est l’animal. — Pour cela, il faut (comme nous l’avons déjà dit plus haut) chercher quel est en nous le principe auquel appartient la mémoire. Si c’est l’âme qui possède la mémoire, quelle faculté ou quelle partie la mémoire y constitue t-elle ? Si c’est à l’animal qu’appartient la mémoire, comme l’ont avancé quelques-uns, le regardant comme le principe sentant, quel est en lui le mode d’action de cette faculté ? Que faut-il en outre appeler l’animal ? Enfin, est-ce le même pouvoir qui perçoit les choses sensibles et les choses intelligibles, ou bien y a-t-il là deux puissances différentes ?

XXVI. Si les deux éléments qui composent l’animal

    materiæ et nutritioni magis mancipatæ sunt. » Nous adoptons le sens de Creuzer qui est parfaitement d’accord avec ce que Plotin dit ailleurs sur l’état de l’intelligence dans les enfants (Enn. I, liv. I, § 11 ; t. I, p. 47).

  1. Voici la distinction que Platon établit entre la mémoire et la réminiscence : « Si l’on disait que la mémoire est la conservation de la sensation, on parlerait juste, du moins à mon avis… Lorsque l’âme, sans le corps et retirée en elle-même, se rappelle ce qu’elle a éprouvé, nous appelons cela réminiscence ; et aussi, lorsque ayant perdu le souvenir, non plus seulement d’une sensation, mais d’une connaissance, elle se rend à elle-même ce souvenir. Voilà tout ce que nous appelons mémoire et réminiscence. » (Philèbe, t. II, p. 359 de la trad. de M. Cousin.)