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QUATRIÈME ENNÉADE.


Mais [dira-t-on], qui empêche l’intelligence de connaître les changements des autres êtres, les révolutions périodiques du monde, par exemple, sans changer elle-même ? — Il faudrait alors qu’elle suivît les changements de l’objet en mouvement, puisqu’elle penserait d’abord une chose, puis une autre. En outre, la pensée est autre chose que la mémoire, et il ne faut pas donner le nom de mémoire à la pensée de soi-même. En effet, l’intelligence ne s’applique pas à retenir ses pensées et à les empêcher de s’échapper ; sinon, elle pourrait craindre aussi que son essence ne lui échappât[1]. Pour l’âme même, se souvenir n’est pas la même chose que se rappeler les notions innées : quand elle est descendue ici-bas, elle peut posséder ces notions sans y penser, surtout si elle est récemment entrée dans les corps[2]. Les anciens semblent avoir appelé mémoire et

    trouve dans saint Augustin les mêmes idées sur la mémoire : « Omne præteritum jam non est ; omne futurum nonduni est : omne igitur et futurum et præteritum deest. Apud Deum autem nihil deest. Nec præteritum igitur, nec futurum, sed omne prœsens est apud Deum. » (De diversis quaestionibus, § 17.)

  1. « Quibus autem est memoria necessaria, nisi prætereuntibus et quasi fugientibus rebus ? Ille igitur sapiens amplectitur Deum, eoque perfruitur qui semper manet, nec exspectatur ut sit, nec metuitur ut desit, sed eo ipso quo vere est, semper est præsens… Quid memoria opus est [sapienti], quum omnes suas res praesentes habeat ac teneat ? Non enim vel in ipso sensu, ad id quod ante oculos nostros est, in auxilium nobis vocamus memoriam. Sapienti ergo ante illos interiores intellectus oculos habenti omnia, id est Deum ipsum fixe immobililerque intuenti, cum quo sunt omnia quæ intellectus videt ac possidet, quid opus est, quæso, memoria ? » (S. Augustin, De Ordine, Il,2.) Voy. ci-après, p. 328, note 1.
  2. Il y a dans le texte : ϰαὶ μάλιστα ἐνταῦθα ἠϰούσῃ. Ficin traduit : « et maxime huc longe profectam. » Creuzer propose un autre sens : « et maxime quæ modo huc advenit » ; il le justifie en ces termes : « Nimirum Plotinus loqui videtur de animis infantium haud ita multo ante natorum, quæ conturbutæ recenti lapsu et quasi ebriæ minus valent superiores mentis vires explicare, sed