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QUATRIÈME ENNÉADE.


ainsi que la pensée est perçue, qu’elle dure et devient un souvenir. L’âme, qui est toujours en mouvement pour arriver à la pensée [par la raison discursive], nous la fait ainsi saisir quand elle en reçoit le reflet. Autre chose est la pensée, autre chose la perception de la pensée. Nous pensons toujours, mais nous ne percevons pas toujours notre pensée. Cela tient à ce que le principe qui perçoit les pensées perçoit aussi les sensations, et s’occupe des unes et des autres tour à tour.

XXXI. Si la mémoire appartient à l’imagination, et que l’âme raisonnable ainsi que l’âme irraisonnable possèdent également la mémoire[1], il y aura deux espèces d’imagination [l’imagination intellectuelle et l’imagination sensible], et, si les deux âmes sont séparées, elles posséderont chacune une espèce d’imagination. Mais, puisque les deux espèces d’imagination se trouvent contenues en nous dans le même principe, comment se fait-il qu’il y ait deux imaginations, et à laquelle appartient le souvenir ? Si le souvenir appartient aux deux espèces d’imagination, il y aura toujours deux imaginations (car on ne peut dire que le souvenir des

    grandeur du triangle décrit, nous ne l’en traçons pas moins d’une certaine dimension déterminée. De même, en le pensant par l’entendement, bien qu’on ne pense pas à sa dimension, on se le place cependant devant les yeux avec une dimension quelconque ; et on le pense en faisant abstraction de cette grandeur… Il faut nécessairement que la notion de grandeur et de mouvement nous vienne de la faculté qui nous donne aussi celle de temps ; et l’image n’est qu’une affection du sens commun. Il en résulte évidemment que la connaissance de ces idées est acquise par le principe même de la sensibilité. Or, la mémoire des choses intellectuelles ne peut non plus avoir lieu sans images ; et, par suite, ce n’est qu’indirectement que la mémoire s’applique à la chose pensée par l’intelligence ; en soi elle ne se rapporte qu’au principe sensible. » (De la Mémoire, 1 ; tr. fr., p. 113.) Voy. aussi les Éclaircissements du tome I, p. 339-341.

  1. Voy. ci-dessus, § 27.