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QUATRIÈME ENNÉADE.

un homme qui, gravissant le sommet d’un rocher, apercevrait par son regard des objets invisibles pour ceux qui ne sont pas montés avec lui. Puisque la raison nous démontre ainsi clairement que la mémoire ne se manifeste dans l’âme que lorsque celle-ci descend du monde intelligible dans le ciel, il n’est pas étonnant que, lorsqu’elle s’est élevée d’ici-bas au ciel et qu’elle s’y est arrêtée, elle se rappelle un grand nombre des choses d’ici-bas, de celles dont nous avons déjà parlé[1], et qu’elle reconnaisse beaucoup d’âmes qu’elle a connues antérieurement, puisque ces dernières doivent nécessairement être jointes à des corps qui ont des figures semblables. Si ces âmes changent la figure de leurs corps et les rendent sphériques, elles sont encore reconnaissables par leurs mœurs et leur caractère propre. Cela n’a rien d’incroyable : car, en admettant que ces âmes se soient purifiées de toutes leurs passions, rien n’empêche qu’elles n’aient conservé leur caractère. Si elles peuvent s’entretenir les unes avec les autres, elles ont encore là un moyen de se reconnaître.

Qu’arrive-t-il quand les âmes descendent du monde intelligible dans le ciel ? — Elles recouvrent alors la mémoire, mais elles la possèdent à un degré moindre que les âmes qui se sont toujours occupées des mêmes objets. Elles ont d’ailleurs d’autres choses à se rappeler, et un long espace de temps leur a fait oublier bien des actes.

Mais si, après être descendues dans le monde sensible, elles tombent [du ciel] dans la génération, quel sera le

  1. Voy. le livre précédent, § 32.