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QUATRIÈME ENNÉADE.

dre ces difficultés] il faut admettre que Jupiter jouit toujours de la connaissance, toujours d’une seule et même vie. C’est en ce sens qu’il doit être infini et posséder l’unité, non par une connaissance venue du dehors, mais intérieurement, par sa nature même, parce que l’infini reste toujours tout entier en lui, qu’il lui est inhérent, qu’il est contemplé par lui, qu’il n’est pas pour lui simplement l’objet d’une connaissance adventice. En effet, en connaissant l’infinité de sa vie, Jupiter connaît en même temps que l’action qu’il exerce sur l’univers est une ; mais ce n’est pas parce qu’il l’exerce sur l’univers qu’il la connaît.

X. Le principe qui préside à l’ordre de l’univers est double : sous un point de vue, il est le Démiurge ; sous l’autre, l’Âme universelle. Par le nom de Jupiter nous désignons tantôt le Démiurge, tantôt la Puissance qui gouverne l’univers (τὸ ἡγεμονοῦν τοῦ παντός).

Quand il s’agit du Démiurge, il faut éloigner de son esprit toute idée de passé et d’avenir, et ne lui attribuer qu’une vie uniforme, immuable, indépendante du temps.

Quant à la vie du Principe qui administre l’univers [et qui est l’Âme universelle], elle soulève une question : N’est-elle pas aussi affranchie de la nécessité de raisonner et de chercher ce qui est à faire ? — Oui, sans doute : l’ordre qui doit régner est déjà trouvé et arrêté, et cela sans le secours des choses qui y sont soumises. En effet, les choses qui sont soumises à l’ordre sont celles qui sont engendrées, et le principe qui les engendre, c’est l’Ordre même, c’est-à-dire l’action de l’Âme attachée à la contemplation d’une Sagesse immuable, Sagesse dont l’image est l’ordre qui subsiste dans l’Âme[1]. Comme la Sagesse contemplée par l’Âme ne change pas, l’action de celle-ci ne change pas non plus. En effet, l’Âme contemple toujours la Sagesse ; si elle cessait, elle tomberait dans l’incertitude. La fonction de l’Âme est

  1. Voy. ci-après, § 12, p. 348.