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LIVRE QUATRIÈME.

propres[1], qu’aspirant tous à l’Un et rayonnant dans le ciel entier, comme des cordes qui vibrent à l’unisson, ils produisent une espèce de concert[2] par leur harmonie naturelle. Enfin, le ciel entier tourne sur lui-même ainsi que ses parties, qui, malgré la diversité de leurs mouvements et de leurs positions, gravitent toutes vers un même centre[3]. Or tous ces faits viennent à l’appui de ce que nous avançons, puisqu’il en résulte que la vie de l’univers est une et uniforme.

IX. Jupiter, qui gouverne le monde et lui donne son ordre et sa beauté, possède de toute éternité une âme royale et une intelligence royale[4] ; il produit les choses par sa providence et il les règle par sa puissance ; il dispose tout avec ordre en développant et en accomplissant les nombreuses périodes des astres. Ces actes ne semblent-ils pas nécessiter que Jupiter fasse usage de la mémoire, qu’il se rappelle quelles périodes ont été déjà accomplies, qu’il s’occupe de préparer les autres par ses combinaisons, ses calculs, ses raisonnements ? Il aura donc d’autant plus besoin de la mémoire qu’il sera plus habile administrateur du monde. [Voici notre réponse à cette objection.]

Quant au souvenir des périodes, il y aurait lieu d’examiner quel est le nombre des périodes et si Jupiter le connaît : car, si c’est un nombre fini, l’univers aura eu un commencement dans le temps[5] ; s’il est infini, Jupiter ne pourra connaître combien il a fait de choses. [Pour résou-

  1. Voy. Enn. II, liv. III, § 9 ; t.1, p. 180.
  2. Voy. ci-dessus liv. III, § 12, p. 290, note 6.
  3. Voy. Enn. II, liv. II, § 2 ; t. 1, p. 161-163.
  4. Plotin emploie ici des expressions empruntées à deux dialogues de Platon : « Le chef suprême, Jupiter, s’avance le premier, conduisant son char ailé, ordonnant et gouvernant toutes choses » (Phèdre, p. 246 ; t. VI, p. 49 de la trad. de M. Cousin)… Tu diras qu’il y a dans Jupiter, en qualité de cause, une âme royale, une » intelligence royale (Philèbe, p. 30 ; t. II, p. 347 de la trad.). »
  5. Voy. t.1, p. 265, note 1.