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LIVRE QUATRIÈME.


XXXIII. Comme le mouvement circulaire du monde n’a rien de fortuit, qu’il est produit conformément à la Raison[1] de ce grand animal, il devait y avoir en lui accord entre ce qui pâtit et ce qui agit ; il devait aussi y avoir un ordre qui coordonnât les choses les unes avec les autres, de telle sorte qu’à chacune des phases du mouvement circulaire du monde correspondit telle ou telle disposition dans les êtres qui y sont soumis, comme s’ils formaient une seule danse dans un chœur varié[2]. Pour nos danses, on explique facilement les choses qui concourent extérieurement à la danse, et qui varient pour chaque mouvement, comme les sons de la flûte, les chants et les autres circonstances qui s’y rattachent ; mais il n’est pas aussi aisé de concevoir les mouvements de celui qui danse en se conformant nécessairement à chaque figure, accompagne, qui prend les poses diverses indiquées par la musique, élève un membre, en abaisse un autre, fait mouvoir celui-ci et laisse reposer celui-là dans une attitude différente. Le danseur a sans doute les yeux fixés sur un autre but pendant que ses membres éprouvent des affections conformes à la danse, concourent à la produire, et en complètent l’ensemble. Aussi, l’homme instruit dans l’art de la danse pourra expliquer pourquoi, dans telle figure, tel membre est levé, tel autre courbé, celui-ci caché, celui-là abaissé, non que le danseur délibère sur ces différentes attitudes, mais parce que, dans le mouvement général de son corps, il regarde telle posture comme nécessaire à tel membre pour remplir son rôle dans la danse. C’est de la même manière que les astres produisent certains faits et en annoncent d’autres, que le monde entier réalise sa vie universelle en faisant mouvoir les grandes parties qu’il renferme, en en changeant sans cesse les figures, de telle sorte que les di-

  1. Voy. ci-dessus, p. 24.
  2. Plotin paraît s’être ici inspiré d’un passage du Timée que nous avons cité dans le tome I, p. 465.