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LIVRE QUATRIÈME.


tion, ce sont les passions qui lui donnent des règles. L’influence d’un attrait magique se manifeste dans le penchant qui nous porte au mariage, dans le soin que nous prenons de nos enfants, et, en général, dans tout ce que l’appât de la volupté nous entraîne à faire. Parmi nos actions, il y en a qui sont provoquées par une puissance irraisonnable, soit par la colère, soit par la concupiscence ; d’autres, celles qui se rapportent à la vie politique, comme le désir d’obtenir les magistratures, ont pour mobile l’amour du commandement ; celles où nous nous proposons d’éviter quelque mal ou de posséder plus que les autres nous sont inspirées, les premières, par la crainte, les secondes, par la cupidité ; enfin, celles qui se rapportent à l’utile, à la satisfaction de nos besoins, montrent avec quelle force la nature nous attache à la vie.

On dira peut-être que les actions où l’on a un but noble et honnête échappent aux influences de la magie, sans quoi la contemplation y serait elle-même soumise. Nous pensons qu’en effet celui qui accomplit les actions honnêtes comme nécessaires, les yeux fixés sur le Beau véritable, ne saurait être ensorcelé : il connait la nécessité, et il ne donne pour but à sa vie rien de terrestre, à moins qu’on ne dise qu’il est charmé et retenu ici-bas par la force magique de la nature humaine, qui l’attache à la vie des autres ou à sa propre vie. Il semble en effet raisonnable de ne pas se séparer du corps à cause de l’attachement que nous inspire pour lui une espèce de charme magique[1]. Quant à l’homme qui préfère [à la contemplation] l’activité pratique et se contente de la beauté qu’on y trouve, il est séduit par les traces trompeuses du Beau, puisqu’il cherche la beauté dans les choses inférieures : car, toute activité déployée dans le domaine de ce qui n’a que l’apparence du vrai, toute inclination pour cette espèce de choses suppose que l’âme est

  1. Voy. Enn. I, liv. IX ; t. I, p. 140.