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QUATRIÈME ENNÉADE.


tout resterait à l’état d’une matière informe, puisqu’il n’y aurait pas de principe pour la façonner. Que dis-je ? il n’existerait même pas de matière, et l’univers s’abîmerait dans le néant, si le soin d’en tenir les parties unies ensemble était confié à un corps qui n’aurait de l’Âme que le nom, à de l’air par exemple, à un souffle sans cohésion[1], lequel n’est point un par lui-même. Tous les corps étant divisibles, si l’univers dépendait d’un corps, ne serait-il pas privé d’intelligence et abandonné au hasard ? Comment, en effet, y aurait-il de l’ordre dans un souffle qui a lui-même besoin que l’Âme lui donne de l’ordre ? Comment y aurait-il dans ce souffle une raison, une intelligence ? Dès que l’Âme existe, tous les éléments servent à constituer le corps du monde et celui de chaque animal, parce que toutes les forces diverses concourent ensemble à la fin du Tout ; ôtez l’Âme, il n’y a plus d’ordre, il n’existe même plus rien[2].

  1. « Animum autem alii [dixerunt] animam, ut fere nostri ; ipsum declarat nomen : nam et agere animam et efflare dicimus, et animosos, et bene animatos, et ex animi sententia ; ipse autem animus ab anima dictus est. » (Cicéron, Tusculanes, I, 9.)
  2. Saint Augustin a reproduit le fond de cette argumentation : « Si, quod vere dicitur, factum est corpus, aliquo faciente factum est, nec eo inferiore : neque enim esset potens ad dandum ei quod faceret, quidquid illud est, quod est id quod faciebat. Sed ne pari quidem : oportet enim facientem melius aliquid adhibere ad faciendum, quam est id quod facit. Nam de gignente non absurde dicitur hoc eum esse quod est illud quod ab eo gignitur. Universum igitur corpus ab aliqua vi et natura potmtiore atque meliore factum est, non utique corporea : nam si corpus a corpore factum est, non potuit universum fieri ; verissimum est enim quod in exordio ratiocinationis hujus posuimus, nullam rem a se posse fieri. Hœc autem vis et natura incorporea effectrix corporis universi prœsente potentia tenet universum : non enim fecit atque discessit, effectumque deseruit. Ea quippe substantiva quæ corpus non est, neque, ut ita dicam, localiter movetur, ut ab ea substantia quæ locum obtinet separari queat, et illa effectoria vis vacare non potest, quin id quod ab ea factum est tueatur, et specie