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LIVRE HUITIÈME.


s’inquiéter des détails, règle tout comme il convient à une puissance royale ; la seconde, opérant en quelque sorte comme un manœuvre (αὐτουργῷ τινι ποιήσει) abaisse sa puissance créatrice jusqu’à la nature inférieure des créatures en se mettant en contact avec elles[1]. Or, comme c’est de la première manière que l’Âme divine[2] administre toujours tout l’univers, en le dominant par sa supériorité, et en envoyant en lui sa dernière puissance [la Nature], on ne saurait accuser Dieu d’avoir donné à l’Âme universelle une mauvaise place : en effet, celle-ci n’a jamais été privée de sa puissance naturelle ; elle la possède et elle la possédera toujours (parce que cette puissance n’est point contraire à son essence) ; elle la possède, dis-je, de toute éternité et sans aucune interruption.

Platon dit encore que les âmes des astres sont toujours avec leurs corps dans le même rapport que l’Âme universelle avec l’univers[3] (car il fait participer les astres aux mouvements de l’Âme universelle) ; il accorde ainsi à ces âmes la félicité qui leur convient. En effet, on blâme ordinairement le commerce de l’âme avec le corps pour deux motifs : d’abord, parce qu’il empêche l’âme de s’occuper des conceptions de l’intelligence ; ensuite, parce qu’il l’expose à des sensations agréables ou pénibles et qu’il la remplit de désirs. Or, aucune de ces deux choses n’arrive à l’âme qui n’est pas entrée dans un corps et qui n’en dépend pas, qui n’appartient pas à tel individu : alors, au contraire

  1. La Nature se met en contact avec les créatures, parce que sa fonction est de façonner les êtres par les raisons séminales, d’imprimer des formes à la matière. Voy. ci-dessus, p. 349.
  2. L’Âme divine est la Puissance principale de l’Âme universelle. Voy. t. I, p. 193. note 1.
  3. « Il divisa tout le mélange en un nombre d’âmes égal à celui des astres, et, en donnant une la chaque astre afin qu’elle fût portée par lui comme dans un char, il fit ainsi connaître à ces âmes la nature de l’univers, etc. » (Platon, Timée, p. 42 ; trad. de M. H. Martin, p. 113.)