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TROISIÈME ENNÉADE.

ramenées à d’autres causes, puisqu’elles sont premières. Quant aux essences qui dépendent des essences premières, admettons qu’elles en tiennent aussi l’existence[1]. Il faut en outre rapporter à chaque essence l’acte qu’elle produit : car, pour une essence, exister, c’est produire tel acte.

Ensuite, dans l’ordre des choses qui deviennent, ou qui, bien qu’elles existent toujours, ne produisent pas toujours le même acte, on peut affirmer hardiment que tout a une cause. Il ne faut pas admettre que quelque chose arrive sans cause[2], ni laisser le champ libre aux déclinaisons arbitraires des atomes (παρεγϰλίσεις)[3], ni croire que les corps entrent en mouvement soudainement et sans raison déterminante, ni supposer que l’âme entreprenne de faire une action par une détermination aveugle (ὁρμῆ ἐμπλήκτῳ) et sans aucun motif[4]. C’est la soumettre à la nécessité la plus

  1. Pour la hiérarchie des causes, Voy. Proclus, Éléments de Théologie, § 11, 12.
  2. Τὸ δ’ ἀναίτιον οὐ παραδεϰτέον. C’était une maxime des Stoïciens : « Concludit Chrysippus hoc modo : « Si est motus sine causa, non omnis enuntiatio aut vera aut falsa erit. Causas enim efficientes quod non habebit, id nec verum nec falsum erit. Omnis autem enuntiatio aut vera aut falsa est. Motus ergo sine causa nullus est. » (Cicéron, De Fato, 10.) Leibnitz a fait de ce principe l’une des bases de son système : « Jamais rien n’arrive sans qu’il y ait une cause ou du moins une raison déterminante, c’est-à-dire quelque chose qui puisse servir à rendre raison a priori pourquoi cela est existant plutôt que de toute autre façon. Ce grand principe (de la raison déterminante) a lieu dans tous les événements, et on ne donnera jamais un exemple contraire. » (Théodicée, I, 544.) Leibnitz est sur ce point d’accord avec saint Augustin, qui a développé le même principe dans son traité De l’Ordre, I, 4.
  3. « Deinde ibidem homo acutus [Epicurus], quum illud occurreret : si omnia deorsum e regione ferrentur et, ut dixi, ad lineam, nunquam fore ut atomus altera alteram possit attingere ; itaque attulit rem commentitiam : declinare dixit atomum perpaulum, quo nihil fleri posset minus. » (Cicéron, De Finibus, I, 6.)
  4. « Epicurus, quum videret, si atomi ferrentur in locum inferiorem suopte pondere, nihil fore in nostra potes-