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LIVRE HUITIÈME.


le monde intelligible ; il est néanmoins nécessaire, par suite de sa nature, qu’elle participe aussi aux choses sensibles[1]. Elle ne doit donc pas s’indigner de n’être pas le meilleur des êtres, puisqu’elle n’occupe qu’un rang intermédiaire[2]. En effet, si, d’un côté, elle est de condition divine, d’un autre côté elle se trouve placée aux limites du monde intelligible, à cause de son affinité pour la nature sensible : elle fait participer cette nature à ses puissances, et elle en reçoit elle-même quelque chose, quand, au lieu d’administrer le corps sans compromettre sa propre sécurité, elle se laisse entraîner par son inclination à entrer profondément en lui, parce qu’elle renonce à demeurer unie tout entière à l’Âme universelle. D’ailleurs, elle peut s’élever au-dessus du corps après avoir, par l’expérience des choses qu’elle a vues et souffertes ici-bas, appris à sentir combien on est heureux d’habiter là-haut, et après avoir, par la comparaison des contraires, apprécié le véritable bien. En effet, la connaissance du bien devient plus claire par l’expérience du mal, chez les âmes surtout qui ne sont pas assez fortes pour connaître le mal avant de l’avoir éprouvé[3].

La procession de l’intelligence (ἡ νοερὰ διέξοδος) consiste à descendre aux choses qui occupent le dernier rang et qui ont une nature inférieure[4] : car l’intelligence ne saurait s’élever à la nature supérieure ; mais, obligée d’agir hors d’elle, et ne pouvant demeurer renfermée en elle-même, elle doit, par une nécessité et une loi de sa nature, s’avancer jusqu’à l’âme à laquelle elle s’arrête, puis, après s’être ainsi communiquée à ce qui la suit immédiatement, remonter au monde intelligible. De même, l’âme a une double action dans son double rapport avec ce qui lui est inférieur et avec ce qui lui est supérieur : par la première action, elle administre le corps auquel elle est unie ;

  1. Voy. ci-dessus le livre VI, § 3, p. 429.
  2. Voy. ci-dessus, p. 41, note 1.
  3. Voy. ci-dessus, p. 488.
  4. Voy. ci-dessus. p. 299-300.