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QUATRIÈME ENNÉADE.


par la seconde, elle contemple les essences intelligibles. Ces alternatives s’accomplissent pour les âmes particulières avec le cours du temps, et il s’opère enfin une conversion qui les ramène des natures inférieures aux natures supérieures[1].

Quant à l’Âme universelle, comme elle n’a pas à s’occuper de fonctions pénibles, qu’elle demeure hors de l’atteinte des maux, elle considère ce qui est au-dessous d’elle d’une manière purement contemplative, et en même temps elle reste suspendue à ce qui est au-dessus d’elle ; elle peut donc tout à la fois recevoir d’un côté et donner de l’autre, puisque sa nature lui commande de se mettre en contact même avec les choses de l’ordre sensible[2].

VIII. S’il convient que je déclare ici nettement ce qui me paraît vrai, dussé-je me mettre en contradiction avec l’opinion générale, je dirai que notre âme n’entre pas tout entière dans le corps[3] : par sa partie supérieure, elle reste toujours unie au monde intelligible, comme, par sa partie inférieure, elle l’est au monde sensible. Si cette partie inférieure domine, ou plutôt, si elle est dominée et troublée, elle ne nous permet pas d’avoir le sentiment de ce que contemple la partie supérieure de l’âme. En effet, ce qui est pensé n’arrive à notre connaissance qu’à la condition de descendre jusqu’à nous et d’être senti. En général, nous ne connaissons tout ce qui se passe dans chaque partie de l’âme que lorsque cela est senti par l’âme entière : par exemple, la concupiscence, qui est l’acte de l’appétit concupiscible, ne nous est connue que lorsque nous la percevons par le sens intérieur (τῇ αἰσθητιϰῇ ἔνδον δυνάμει)[4], ou par la raison discursive (τῇ διανοηητιϰῇ), ou

  1. Voy. le passage de Porphyre cité ci-après, p. 608.
  2. Voy. t. I, p. 262-263.
  3. Cette opinion a été suivie par Damascius (Comm. sur Le Parménide, f. 308), et combattue par Jamblique, Proclus, Simplicius, Priscien. Voy. ci-après, p. 630, note 6 ; p. 631, note 6 ; p. 667, note.
  4. Voy. ci-après, p. 664, § XX.