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LIVRE HUITIÈME.


par toutes les deux à la fois. Toute âme à une partie inférieure tournée vers le corps, et une partie supérieure tournée vers l’Intelligence divine. L’Âme universelle administre l’univers par sa partie inférieure sans aucune espèce de peine, parce qu’elle gouverne son corps non par raisonnement, comme nous, mais par intelligence, par conséquent d’une tout autre manière que celle dont procède l’art. Quant aux âmes particulières, qui administrent chacune une partie de l’univers [c’est-à-dire le corps auquel chacune est unie], elles ont aussi une partie qui s’élève au-dessus du corps ; mais elles sont distraites de la pensée par la sensation et par la perception d’une foule de choses qui sont contraires à la nature, qui viennent les troubler et les affliger. En effet, le corps dont elles prennent soin, ne constituant qu’une partie de l’univers, étant d’ailleurs incomplet et se trouvant entouré d’objets extérieurs, a mille besoins, désire la volupté et est trompé par elle. La partie supérieure de l’âme est au contraire insensible à l’attrait de ces plaisirs passagers et mène une vie uniforme[1].

  1. Ce passage est cité par le P. Thomassin qui le commente en ces termes : « Observat denique idem Plotinus, etsi omnes Deum, et æterna et intelligibilia spectamina, et seipsos æternis concertos et immorales intelligent aliquatenus, et subobscure saltem ; plerosque tamen id inficiari, vel ignorantes, vel dissimulantes, ob sensibilium amorem, ob incogitantiam, ob familiaritatem. Nam amore tanquam visco sic rebus infimis, sic externis agglutinatur animus ut inde revellere se non possit ad intima sua et summa, id est ad seipsum et Deum accuratius considerandum. Rursus multa novit animus quæ non advertit se nosse ; multa novit, etsi non semper cogitet ; se esse, se vivere et moveri semper intelligit, etsi non semper cogitet ; ita æternis se formis regulisque irradiari in judicando, regi in agendo intelligit, etsi non cogitet ; iis se connexum esse et consanguine, ac proinde de æternorum ac immortalium genere se esse intelligit, etsi non cogitet : incogitantia ergo hæc est, non ignorantia, etc. » (Dogmata theologica, t. I, p. 21.)