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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.


efficace, qui est Dieu ; que la personnalité et la liberté de l’âme humaine ne sont que de vains mots. Dans sa critique de la doctrine stoïcienne, Plotin dégage avec netteté ce principe des formules philosophiques qui le dissimulent, et il le combat avec une grande vigueur de logique, en lui opposant les mêmes arguments qu’on emploie encore aujourd’hui pour le réfuter. Qu’on relise en effet, en les liant ensemble, les objections qu’il adresse dans son livre Du Destin à Héraclite et aux Stoïciens, et l’on ne pourra s’empêcher de reconnaître leur force et leur précision :

« Ne pourrait-on pas supposer qu’une seule Âme répandue dans tout l’univers produise tout, et, en donnant le mouvement à l’univers, donne le mouvement à chaque être qui en fait partie, de sorte que toutes les causes secondes découleraient nécessairement de cette cause première, et que leur suite et leur connexion constitue raient le Destin ?… S’il n’y a dans l’univers qu’un seul principe qui agisse et qui pâtisse, si les choses dérivent les unes des autres par une série de causes dont chacune se ramène à celle qui précède, on ne pourra plus alors dire avec vérité que toutes choses arrivent par dés causes ; toutes en effet ne feront plus qu’un seul être. Dans ce cas, nous ne sommes plus nous, il n’y a plus d’action qui soit nôtre, ce n’est plus nous qui raisonnons ; c’est un autre principe qui raisonne, qui veut, qui agit en nous, comme ce ne sont pas nos pieds qui marchent, mais nous qui marchons par nos pieds. Cependant il faut admettre que chacun vit, pense, agit d’une vie, d’une pensée, d’une action qui lui soit propre ; il faut laisser à chacun la responsabilité de ses actions bonnes ou mauvaises, et ne pas attribuer à la cause universelle des faits honteux. » (Livre I, § 4, p. 8-10.)

Plotin montre aussi fort bien que le panthéisme des stoïciens, en absorbant notre causalité personnelle dans la causalité divine, conduit nécessairement au fatalisme :

« Reste à considérer la doctrine qui enchaîne et lie toutes choses les unes aux autres, fait dériver de cette connexion les qualités de chaque être, et établit une cause unique produisant tout par des raisons séminales. Cette doctrine rentre dans celle qui rapporte à l’action de l’Âme universelle la constitution et les mouvements des individus aussi bien que ceux de l’univers. Dans ce cas, eussions-nous le pouvoir de faire quelque chose par nous-mêmes, nous n’en serions pas moins comme le reste soumis à la nécessité, puisque le Destin, comprenant toute la série des causes, détermine nécessairement chaque événement. Il n’est rien en effet qui puisse empêcher cet événement d’arriver ou le faire arriver autrement, puisque le Destin comprend toutes les causes. Si tout obéit ainsi à l’impulsion