Page:Plotin - Ennéades, t. II.djvu/567

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
517
TROISIÈME ENNÉADE, LIVRES II ET III.


d’un seul principe, il ne nous reste plus qu’à la suivre nous-mêmes. En effet, les conceptions de notre imagination résulteront alors des faits antérieurs et détermineront à leur tour nos appétits : notre liberté ne sera plus qu’un vain nom. De ce que nous obéirons à nos appétits, il n’en résultera pour nous aucun avantage, puisque nos appétits seront eux-mêmes déterminés par des faits antérieurs. Nous n’aurons pas plus de liberté que les autres animaux, que les enfants et les fous, qui courent çà et là, poussés par des appétits aveugles : car eux aussi ils obéissent à leurs appétits, comme le feu même, et comme toutes les choses qui suivent fatalement les dispositions de leur nature. » (Liv. I, § 7, p. 14.)

Après avoir ainsi réfuté le panthéisme et le fatalisme d’Héraclite et des Stoïciens, Plotin établit ensuite la vraie doctrine et démontre qu’il y a deux causes réelles dans l’univers, Dieu et l’âme humaine :

«  Quelle autre cause faut-il donc faire intervenir outre les précédentes pour ne laisser rien arriver sans cause, pour maintenir l’ordre et l’enchaînement des faits dans le monde, et conserver la possibilité des prédictions et des présages sans cependant détruire notre personnalité ? Il faut mettre au nombre des êtres un autre principe, savoir l’âme, non seulement l’Âme universelle, mais encore l’âme de chaque individu : celle-ci n’est pas un principe de peu d’importance dans l’enchaînement universel des causes et des effets, parce qu’au lieu de naître d’une semence [raison séminale] comme les autres choses, elle constitue une cause première. » (Livre 1, 58, p. 15).

Dans les deux livres De la Providence, Plotin revient très souvent sur l’idée de notre liberté et l’invoque pour montrer que Dieu n’est point responsable du mal moral :

« Considérons les actions des âmes qui font librement le mal… Ce n’est pas à la Providence qu’il faut demander raison de la méchanceté de ces âmes et en faire remonter la responsabilité ; il n’en faut chercher la cause que dans les déterminations volontaires de ces âmes. » (Livre II, 5 7, p. 38.)

« Il ne faut pas étendre l’action de la Providence au point de supprimer notre propre action : car si la Providence fait tout, s’il n’y a qu’elle, elle est anéantie. À quoi s’appliquerait-elle en effet ? Il n’y aurait plus que la Divinité. » (Livre II, § 9, p. 43.)

«  On dira peut-être : il est absurde d’introduire dans le monde des âmes qui font les unes le bien, les autres le mal : car c’est enlever à la Raison universelle le mérite du bien qui se fait, en la déchargeant de la responsabilité du mal… — Mais pourquoi imputer à la raison universelle les mauvaises œuvres ? Les âmes contenues dans l’univers n’en seront pas plus divines, etc. » (Livre II, § 18, p. 69.)