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TROISIÈME ENNÉADE, LIVRE IV.


le Bien et le Beau, des démons qui sont engendrés par les différentes puissances de l’Âme universelle afin d’administrer toutes choses pour le bien général (p. 113). Ces démons peuvent parler (p. 300) et ils sont susceptibles d’éprouver des passions (p. 112, 402). Il y a aussi des démons qui sont préposés aux châtiments que subissent les âmes perverses (p. 488).

Plotin s’est montré fort réservé sur la question des démons qui sont des puissances de l’Âme universelle ; ses successeurs, Porphyre, Jamblique et Proclus, ont sur ce point donné largement carrière à leur imagination.

Porphyre nous paraît s’être éloigné des idées de Plotin par la théorie qu’il a exposée sur les bons et sur les mauvais démons dans son traité De l’Abstinence des viandes (II, 38-43) et dans les fragments qui nous restent de sa Philosophie tirée des oracles. Cette théorie a été longuement discutée par Eusèbe dans le livre V de sa Préparation évangélique, où, se fondant sur les paroles mêmes de Porphyre, il aboutit à cette conclusion que les dieux du Polythéisme ne sont que des mauvais démons. Saint Augustin a développé la même opinion dans la Cité de Dieu (VIII, IX, X) ; il y cite et il y commente le traité de Porphyre Sur le Retour de l’âme à Dieu et sa Lettre sur les mystères, où Porphyre avait condamné les pratiques de la théurgie[1]. Cette condamnation était d’ailleurs entièrement conforme à la doctrine de Plotin qui combat partout les pratiques de l’astrologie ainsi que celles de la magie, et qui, spécialement dans son livre contre les Gnostiques (Enn. II, liv. IX. § 14), défend d’avoir recours aux invocations et aux conjurations.

On sait qu’après Porphyre cette défense fut assez peu écoutée par Jamblique, qui abandonna les spéculations philosophiques de Plotin pour une théurgie où les démons jouaient un grand rôle. Ces croyances superstitieuses ont été exposées tout au long dans le traité Des Mystères, qu’on attribue à Jamblique ; mais, comme elles sont complètement en désaccord avec la doctrine de notre auteur, il nous suffit de les mentionner ici[2].

Quant à Proclus, il a longuement développé sa doctrine sur les démons dans son Commentaire sur Alcibiade (t. II, p. 185-207, éd. de M. Cousin). Elle s’éloigne trop elle-même des idées de Plotin pour que nous ayons à nous en occuper.

  1. Voy. M. Vacherot, Histoire de l’École d’Alexandrie, t. II, p. 111-118.
  2. La partie du traité Des Mystères qui se rapporte aux démons a été analysée par M. Lévesque de Burigny (Dissertation sur l’existence des Génies, p. 439-451). Voy. aussi M. Vacherot, ibid., t. II, p. 126-144.