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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.


elle a été créée, qui l’illumine et la fait briller de la splendeur de l’intelligible[1]. Pour faire comprendre ces choses de l’ordre spirituel, il emprunte une comparaison aux corps célestes. Dieu est le soleil, et l’âme, la lune : car c’est du soleil, suivant eux, que la lune tire sa clarté. Ce grand platonicien pense donc que l’âme raisonnable, ou plutôt l’âme intellectuelle (car sous ce nom il comprend aussi les âmes des bienheureux immortels, dont il n’hésite pas à reconnaître l’existence et qu’il place dans le ciel), cette âme, dis-je, n’a au-dessus de soi que Dieu, créateur du monde et de l’âme elle-même, qui est pour elle comme pour nous le principe de la béatitude et la lumière de la vérité. Or cette doctrine est parfaitement d’accord avec l’Évangile, où il est dit : « Il y eut un homme envoyé de Dieu qui s’appelait Jean. Il vint comme témoin pour rendre témoignage à la lumière, afin que tous crussent par lui. Il n’était pas la lumière, mais il vint pour rendre témoignage à celui qui était la lumière. Celui-là était la vraie lumière qui illumine tout homme venant en ce monde. » Cette distinction montre assez que l’âme raisonnable et intellectuelle, telle qu’elle était dans saint Jean, ne peut pas être à soi-même sa lumière et qu’elle ne brille qu’en participant à la lumière véritable. C’est ce que reconnaît le même saint Jean, quand il ajoute en rendant témoignage à la lumière : « Nous avons tous reçu de sa plénitude. » (Cité de Dieu, X, 3 ; t. II, p. 183 de la trad. de M. Saisset.)

Ensuite, la théorie que saint Augustin, dans le passage qu’en vient de lire, attribue aux Platoniciens sur le Verbe, considéré comme engendré de toute éternité et comme consubstantiel au Père, se trouve dans le livre de Plotin qui a pour titre Des trois hypostases principales (Enn. V, liv. I). On y lit notamment au § 6 :

« Invoquons d’abord Dieu même, non en prononçant des paroles, mais en élevant notre âme jusqu’à lui par la prière…. Il est nécessaire que tout être qui est mû ait un but vers lequel il soit mû. Nous

  1. Cette idée se trouve exprimée dans beaucoup de passages de Plotin, notamment Voy. Enn. II, liv. IX, § 2 ; t. I, p. 262. Mais les détails que saint Augustin ajoute à sa citation se rapportent au § 11 du livre III de l’Ennéade IV (t. II, p. 288-289) : « L’Intelligence divine est le soleil qui brille là-haut. Considérons-la comme le modèle de la Raison [de l’univers]. Au-dessous de l’Intelligence est l’Âme, qui en dépend, qui subsiste par elle et avec elle…. Les êtres que nous appelons des dieux [c’est-à-dire les âmes unies à l’Âme universelle] méritent d’être regardés comme tels parce que jamais ils ne s’écartent des intelligibles, qu’ils sont suspendus à l’Âme universelle considérée dans son principe, au moment même où elle sort de l’Intelligence. »