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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.


de la même manière. Pour ne citer ici que quelques exemples, saint Thomas[1] démontre par les mêmes raisons que Plotin[2] que l’âme ne saurait sentir hors du corps, qu’elle n’est pas avec le corps dans le même rapport que le pilote avec le navire parce qu’elle est présente dans le corps entier, qu’elle est une malgré la variété de ses facultés parce que les formes inférieures sont contenues dans les formes supérieures, etc.[3]. Mais cette étude nous conduirait trop loin, et nous ne pouvons que renvoyer le lecteur au remarquable ouvrage de M. Ch. Jourdain sur saint Thomas d’Aquin.

Nous insisterons du moins sur un fait important et qui n’a été signalé par aucun historien de la philosophie, c’est l’accord de Plotin et de saint Thomas sur deux grandes questions : 1o Les âmes humaines ne sont-elles que les parties entre lesquelles se divise et se distribue une Âme unique ? 2o Quel est l’état intellectuel de l’âme humaine après la mort ?

Pour la première question, nous avons déjà montré dans les notes (p. 271, 274) que saint Thomas avait combattu le panthéisme avec les mêmes arguments que Plotin.

Pour la seconde question, voici le résumé de la doctrine de saint Thomas. Nous l’empruntons à la thèse de M. G.-H. Bach : De l’état de l’âme depuis le jour de la mort jusqu’à celui du jugement dernier, d’après Dante et saint Thomas (p. 32, 53-58).

Selon saint Thomas, l’union de l’âme et du corps est naturelle ; il est même contraire à la nature de l’âme d’en être séparée ; mais saint Thomas n’en admet pas moins la possibilité d’une séparation temporaire…

Il est naturel de penser qu’au moment où l’âme se sépare du corps, elle subit de notables changements dans sa constitution intellectuelle. Si, pour quelques-unes de ses facultés, les organes physiques semblent un obstacle bien plutôt qu’au moyen de développement, il en est d’autres aussi dont on comprendrait difficilement l’exercice sans le concours de ces organes.

C’est ce qu’enseigne saint Thomas. Fidèle à la doctrine d’Aristote, il déclare l’âme séparée incapable d’éprouver toutes les affec-

  1. Voy. la Philosophie de saint Thomas d’Aquin, par M. Ch. Jourdain, t. I, p. 290-297.
  2. Voy. Plotin, t. II, p. 306, 365, etc.
  3. Nous avons indiqué en note, p. 307, une comparaison remarquable que saint Thomas a évidemment empruntée à notre auteur par un intermédiaire, peut-être par celui de Proclus, dont il connaissait fort bien les Éléments de Théologie, comme le prouve M. Jourdain dans l’ouvrage cité.