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TRAITÉ DE L’ÂME.


ni d’après les sorts assignés par le Démiurge, ni d’après les divisions des meilleurs genres, tels que les dieux, les anges, les démons, les héros[1], ni d’après les distributions de l’univers ; mais, affirmant que l’âme est toujours dans un corps, ces philosophes, tels qu’Ératosthène, Ptolémée le platonicien[2] et d’autres encore, font passer l’âme de corps subtils dans des corps épais. Ils disent, en effet, qu’elle demeure toujours dans quelque partie du monde sensible, que de temps à autre elle vient de tel ou tel lieu de l’univers entrer dans un corps solide : selon Héraclide de Pont[3], c’est de la voie lactée, selon d’autres, c’est de toutes les sphères célestes que les âmes descendent ici-bas ; selon ceux-ci, elles habitent dans la lune[4] ou dans la région aérienne qui se trouve au-dessous de la lune, et c’est de là qu’elles viennent dans la génération terrestre ; selon ceux-là, elles passent de corps solides dans d’autres corps solides.

On voit qu’en faisant partir les âmes de tant de régions diverses on leur assigne des descentes fort différentes. Les manières dont ces descentes s’opèrent ne diluèrent pas moins selon les auteurs. Héraclite, admettant qu’il y a des changements nécessaires des contraires les uns dans les autres, suppose qu’il y a pour les âmes une ascension et une descente, que rester dans les mêmes choses est une fatigue et que changer est un repos[5]. — Selon le platonicien

  1. Sur cette division, Voy. Des Mystères des Égyptiens, chap. 5, 6, 7.
  2. Selon Proclus (Comm. sur le Timée, p. 186), Ératosthène disait que l’âme est un composé de substance immatérielle et de matière. Par matière il entendait sans doute le corps subtil dont parle Jamblique. Quant à Ptolémée, il est l’auteur d’un Commentaire sur le Timée qui est cité par Proclus.
  3. Héraclide de Pont est un disciple de Platon cité par Proclus (ibid., p. 28, 281). L’opinion que Jamblique attribue ici à Héraclide a été développée par Porphyre : « Selon Pythagore, la foule des songes n’est autre chose que les âmes qui sont rassemblées dans la voie lactée ; celle-ci est ainsi appelée parce que les âmes se nourrissent de lait quand elles tombent dans la génération, etc. » (De l’Antre des nymphes, § 28.) Macrobe a reproduit à peu près littéralement ce passage dans son Commentaire sur le songe de Scipion, I, 12.
  4. Porphyre dit dans le même ouvrage (§ 18) que les prêtres de Cérès croyaient que la Lune préside à la génération.
  5. La citation que Jamblique fait d’Héraclite est tirée de Plotin (Enn. IV, liv. VIII, § 1). Dans le système d’Héraclite, les contraires sont le feu et l’humidité, et les alternatives produites nécessairement par les contraires sont la descente et l’ascension : dans la descente, le feu, en se condensant, se change en eau ; dans l’ascension, l’eau, en se raréfiant, se change en feu ; la descente a pour résultat la génération du monde, et l’ascension, un embrasement général. L’âme a une nature ignée et se forme par évaporation ; son essence est d’être