Cornutus. Si, au moment de la mort, l’âme disparaît du corps qui lui sert de sujet et dont elle est une puissance (comme l’harmonie est une puissance de la lyre[1]) ou bien une perfection[2], l’âme ne périt pas avant le corps (car elle n’arrive pas à l’anéantissement progressivement), mais elle passe de l’être au non-être d’une manière subite, sans aucun intervalle de temps et sans corruption, de même que, lorsqu’elle existe, elle arrive à l’existence tout d’un coup, comme un éclair qui brille. Dans ce cas, vivre, ce sera, pour l’être vivant, posséder la forme de la vie ; mourir, être privé de sa présence ou ne plus la posséder. Cette opinion a été professée par un grand nombre de Péripatéticiens. Si l’âme est disséminée (παρέσπαρται (parespartai)) dans le corps et s’y trouve renfermée comme du vent dans une outre[3], ou bien y est mélangée et s’y meut comme les grains de poussière qui voltigent dans l’air et que l’on aperçoit par les fentes[4], il est évident qu’alors l’âme sort du corps, se disperse et se dissipe, comme le croient Démocrite et Épicure.
Plotin a fondé une autre secte : il sépare de la raison [qui constitue l’essence pure de l’âme] la puissance irrationnelle[5] [qui constitue l’âme irraisonnable, image et acte de l’âme raisonnable][6], et [après la mort] il envoie cette puissance irrationnelle dans la génération[7], ou bien il l’enlève au principe pensant[8]. — Ce dernier point donne lieu lui-même à deux opinions. En effet, ou la puissance irrationnelle de chaque âme se résout dans la Vie irrationnelle totale de l’univers [c’est-à-dire dans la Puissance naturelle et végétative de l’Âme universelle][9], de laquelle elle a été détachée,
- ↑ Voy. ci-dessus, p. 658, note 4.
- ↑ Voy. ci-dessus, p. 625, note 4.
- ↑ Ces expressions appartiennent à la doctrine d’Épicure. Voy. Diogène Laërce, X, § 63, 65 ; et Lucrèce, III, 418, 553.
- ↑ C’était la comparaison employée par Démocrite. Voy. Aristote, De Gener., I, 3 ; et Lucrèce, III, 418, 553.
- ↑ Voy. ci-dessus le commencement du § V, p. 636.
- ↑ Voy. Plotin, Enn. I, liv. I, § 7, 12.
- ↑ Selon Plotin, l’âme ne descend pas tout entière dans le corps ; son intelligence demeure impassible, infaillible et impeccable (Voy. ci-dessus, p. 630, note 6) ; c’est à l’âme irraisonnable que sont imputables nos erreurs et nos fautes ; c’est aussi elle qui est punie après la mort, en étant envoyée dans la génération, c’est-à-dire en passant dans un nouveau corps (Voy. Plotin, Enn. I, liv. I, § 12).
- ↑ Quand l’âme raisonnable s’est, pendant cette vie, séparée du corps par les vertus purificatives, elle remonte dans le monde intelligible après la mort (Enn. IV, liv. III, § 24), et elle y ramène avec elle l’âme irraisonnable, son image et son acte, qui n’existe plus alors que d’une manière idéale, à l’état virtuel (Enn. III, liv. IV, § 6 ; Enn. IV, liv. IV, § 29, et liv. V, § 7).
- ↑ Voy. ci-dessus, § V, p. 636.