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TROISIÈME ENNÉADE.


d’extension, qui n’est affaibli par aucune division, qui n’a aucun défaut, même dans ses parties (car nulle partie n’y est séparée de l’ensemble). Ce monde est la vie universelle et l’Intelligence universelle ; il est l’unité à la fois vivante et intelligente : car la partie y reproduit le tout, et il règne dans l’ensemble une harmonie parfaite parce qu’aucune chose n’y est séparée, indépendante et isolée des autres ; aussi, y eût-il opposition, il n’y aurait pas de lutte. Étant partout un et parfait, le monde intelligible est permanent et immuable : car là il n’y a pas action d’un contraire sur un contraire. Comment une telle action pourrait-elle avoir lieu dans ce monde puisque rien n’y manque ? Pourquoi la Raison y produirait-elle une autre Raison, et l’Intelligence une autre Intelligence[1] ? Est-ce parce qu’elle serait capable de produire ? Alors, avant de produire, elle n’eût pas été dans un état parfait ; elle produirait et elle entrerait en mouvement, parce qu’elle aurait en elle quelque chose d’inférieur[2]. Mais il suffit aux êtres bienheureux de rester en eux-mêmes et de persister dans leur essence. Une action multiple compromet celui qui agit en le forçant à sortir de lui-même. Telle est la condition bienheureuse du monde intelligible qu’en ne faisant rien il fait de grandes choses, et qu’en restant en lui-même il produit des œuvres importantes[3].

  1. C’est une allusion au système des Gnostiques. Voy. t. I, p. 259-261.
  2. C’est encore une allusion au système des Gnostiques qui distinguaient en Dieu la puissance et l’acte. Voy. t. I, p. 258, p. 521 et la note.
  3. On trouve des idées analogues sur les rapports de l’Intelligence divine avec le monde dans un passage important de S. Augustin : « Si ergo quidquid mutabile aspexeris, vel sensu corporis vel animi consideratione capere non potes, nisi aliqua numerorum ferma teneatur, qua detracta in nihil recidat ; noli dubitare, ut ista mutabilia non intercipiantur, sed dimensis motibus et distincta varietate formarum quasi quosdam versus temporum peragant, esse aliquam Formam aeternam et incommutabilem, quæ neque contineatur et quasi diffundatur locis, neque protendatur et varie-