Page:Plotin - Ennéades, t. II.djvu/737

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
687
THÉOPHRASTE.


à Dieu]. Il est impossible d’admettre que la matière soit contemporaine du Démiurge. Plotin, traitant ce sujet, dit nettement que le Démiurge est antérieur à la matière[1] et raille Anaxagore de n’avoir pas admis l’antériorité du Démiurge et d’avoir introduit dans le monde la matière en même temps que le Démiurge ; il est en effet impossible que la matière soit contemporaine du Démiurge, parce que le Créateur doit être antérieur à ce qu’il crée.

X. De la résurrection[2].

L’homme, étant une âme raisonnable qui se sert d’un corps organique, revivra avec son corps, non avec le corps lumineux et aérien dont parlent les Néoplatoniciens[3], mais avec le corps qu’il avait sur cette terre. Sans doute la matière est dissoute à la mort ; mais l’âme est immortelle. Lorsqu’un grain de blé confié à la terre se corrompt et meurt en germant, la raison génératrice de ce grain conserve cependant toute sa force, et, exerçant son action sur la terre et l’eau qui entoure la semence, produit des racines, des feuilles, une tige, un épi, et ressuscite le grain de blé qui était mort[4] ; de même, la raison de l’âme immortelle, étant immortelle, n’est point dissoute par le temps, mais, demeurant en elle-même, elle réveillera la matière, et par sa puissance lui rendra son ancienne forme, quand elle en recevra l’ordre de Dieu. Quant aux brutes, comme elles n’ont qu’une âme irraisonnable et mortelle, elles ne revivront pas : car ce n’est pas pour eux-mêmes, c’est seulement pour l’âme que les corps ressusciteront[5].


  1. Au lieu de τὲν ὕλην σαφῶς προλέγει (ten hulên saphôs prolegei), il faut lire δημιουργὸν σαφῶς, ϰ. τ. λ. (dêmiourgon saphôs, k. t. l.). Le sens général de la phrase et le texte de Plotin (Enn. II, liv. IV, § 7) exigent absolument cette correction.
  2. Éd. Boissonade, p. 57-78.
  3. Voy. ci-dessus, p. 656, note 3.
  4. Cette comparaison est empruntée à S. Paul : « Sed dicet aliquis : quomodo resurgent mortui ? qualive corpore venient ? insipiens ! tu quod seminas non vivificatur nisi prius moriatur. Et quod seminas, non corpus quod futurum est, seminas, sed nudum granum, ut puta tritici, aut alicujus cæterorum… Sic et resurrectio mortuorum. Seminatur in corruptione ; surget in incorruptione. (Ad Corinthios, I, c. xvi, 35-42.)
  5. Énée de Gaza, dans tout ce morceau, s’est inspiré du traité de saint Grégoire de Nysse Sur l’Âme et la Résurrection. Il faut bien se garder de confondre cet écrit avec un autre Traité de l’Âme qu’on attribue faussement à ce Père dans plusieurs éditions de ses œuvres, et qui n’est autre chose que le chapitre II du traité de Némésius Sur la Nature de l’homme.