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TROISIÈME ENNÉADE.

tracté telle ou telle nature subisse les conséquences de sa disposition [en passant dans un corps qui lui est conforme][1]. Il ne faut pas réclamer le bonheur pour ceux qui n’ont rien fait pour le mériter. Les bons seuls l’obtiennent ; et c’est pour cela que les dieux en jouissent.

V. Si donc, même ici-bas, les âmes ont la faculté d’arriver au bonheur[2], il ne faut pas accuser la constitution de l’univers parce que quelques âmes ne sont pas heureuses ; il faut accuser plutôt leur faiblesse qui les empêche de lutter courageusement dans la carrière où des prix sont proposés à la vertu[3]. Pourquoi s’étonner que les esprits qui ne se sont pas rendus divins ne jouissent pas de la vie divine[4] ? Quant à la pauvreté, aux maladies, elles sont sans importance pour les bons[5], et elles sont utiles aux

  1. Voy. ci-dessus la note 2 de la page 30. Némésius dit à ce sujet : Sur quoi se fonde l’opinion de ceux que nous combattons ? C’est sur ce qu’ils croient que l’âme ne survit pas au corps. Mais on doit être convaincu que l’âme est immortelle et que tout ne finit pas pour l’homme avec la vie terrestre, en lisant ce que les plus sages des Grecs ont écrit sur la métempsycose, et ce que l’on a dit des diverses demeures assignées aux âmes selon leur mérite, ainsi que des supplices qui peuvent leur être infligés. » (De la Nature de l’homme, chap. xliv. p. 265 de la trad. de M. Thibault.)
  2. Voy. t. I, p. 280.
  3. Voy. t. I, p. 281. Némésius dit encore : Si quelqu’un trouve peu équitable que le juste souffre pour l’amen dement des autres, qu’il sache que cette vie est un combat, et l’arène de la vertu. Par conséquent, plus les travaux seront grands, plus la couronne sera belle : car la récompense des travaux sera proportionnée aux efforts que l’on aura faits. » (De la Nature de l’homme, chap. xliv, p. 268 de la trad. de M. Thibault.) On trouve aussi la même pensée dans J.-J. Rousseau : « N’exigeons point le prix avant la victoire, ni le salaire avant le travail. Ce n’est point dans la lice, disait Plutarque, que les vainqueurs de nos jeux sont couronnés, c’est après qu’ils l’ont parcourue. (Émile, liv. iv.)
  4. La vie divine est la vie contemplative. Voy. les Éclaircissements du tome I, p. 415-418.
  5. Dans ses Commentaires sur les Ennéades, Proclus citait ici l’exemple d’Épictète. Ces Commentaires, aujourd’hui perdus, sont mentionnés en ces termes dans deux ma-