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TROISIÈME ENNÉADE.

sert encore à d’autres fins : il rend les âmes vigilantes, par exemple, il excite l’esprit et l’intelligence à éviter les voies de la perdition ; il fait encore connaître le prix de la vertu par la vue des maux qui frappent les méchants[1]. Ce n’est pas pour arriver à de telles fins qu’il y a des maux : nous disons seulement que, dès qu’il y a eu des maux, la Divinité s’en est servie pour accomplir son œuvre. Or, c’est le propre d’une grande puissance de faire servir à l’accomplissement de son œuvre les maux eux-mêmes, d’employer à produire d’autres formes les choses devenues informes[2]. En un mot, il faut admettre que le mal n’est qu’un défaut de bien (ἔλλειψις τοῦ ἀγαθοῦ)[3]. Or, il y a nécessairement défaut de

    cedit, recte deformari dicitur ordo atque administration universitatis. Rursus si peccata flant, et desit miseria, nihilominus dehonestat ordinem iniquitas. Quum autem non peccantibus adest beatitudo, perfecta est universitas ; quum vero peccantibus adest miseria, nihilominus perfecta est universitas. Quod autem ipsæ non desunt animæ, quas vel peccantes sequitur miseria, vel recte facientes beatitudo, semper naturis omnibus universitas plena atque perfecta est. Non enim peccatum et supplicium peccati naturæ sunt quædam, sed affectiones naturarum, illa volontaria, illa pœnalis. Sed volontariat quæ in peccato fit, turpis affectio est. Cui propterea pœnalis adhibetur, ut ordinet eam ubi talem esse non turpe sit et decori universitatis congruere cogat, ut peccati dedecus emendet pœna peccati. » (De Libero arbitrio, III, 9.)

  1. « Naturellement, lorsque nous voyons souffrir quelqu’un, nous nous humilions, comme l’a fort bien dit Ménandre : Tes maux nous font craindre les Dieux. » (Némésius, De la Nature de l’homme, chap. xliv, p. 267 de la trad. de M. Thibault.)
  2. Voy. t. I, p. 192. Synésius reproduit cette pensée dans ses Lettres (57, p. 192. A, éd. Petau). S. Augustin dit aussi dans son Commentaire sur l’Évangile de S. Jean : « Bene utens bonus malis et faciens bona de malis ad faciendos bonos de malis, et discernendos bonos a malis. »
  3. Plotin enseigne constamment que le mal n’est qu’un défaut de bien (t. I, p. 102, 129, 294, 425) ; sa doctrine sur ce sujet est conforme à celle de S. Augustin, de Bossuet, et de Leibnitz, comme nous l’avons démontré dans le tome I (p. 294, note 4 ; et p. 431-438). Elle se retrouve encore dans les écrits attribués à S. Denys