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LIVRE DEUXIÈME.

responsable de la faute ; on ne serait pas responsable de la faute, si l’on n’était pas auteur de l’acte. Si l’on dit que les méchants le sont nécessairement, cela ne signifie pas qu’ils subissent une contrainte extérieure, mais que la méchanceté constitue leur caractère[1]. Quant à l’influence du cours des astres, elle ne détruit pas notre liberté[2] : car, si tout acte était déterminé en nous par l’influence extérieure de tels agents, tout se passerait comme ces agents le désireraient ; par conséquent, les hommes ne feraient pas d’actes contraires à la volonté de ces agents. Il n’y aurait pas d’impies si les dieux seuls étaient les auteurs de tous nos actes ; donc l’impiété provient des hommes[3]. Nous admettons que, la cause étant donnée, les

  1. La pensée de Plotin est que les méchants sont tels par suite d’une habitude qu’ils ont contractée et qu’il dépendait d’eux de ne pas contracter. La même idée est exprimée plus clairement dans le passage suivant de Némésius : « Les vices ne résultent pas des facultés, mais des habitudes et de la préférence. Ce n’est pas la faculté [de mentir ou de dire la vérité, de vivre avec intempérance ou avec tempérance] qui nous rend menteurs et intempérants, mais c’est la préférence. Puis donc que le vice n’est pas une faculté, mais une habitude, nous ne devons pas attribuer nos vices à l’auteur de nos facultés, mais seulement à nos habitudes, dont nous sommes nous-mêmes les principes et les causes volontaires. Car nous pouvions, par nos efforts, contracter de bonnes habitudes au lieu d’en contracter de mauvaises. » (De la Nature de l’homme, chap. xli. p. 239 de la trad. de M. Thibault.)
  2. Voy. t. I, p. 187.
  3. À quelle cause attribuerons-nous donc les actions des hommes, si l’homme n’est pas la cause et le principe de ce qu’il fait ? D’abord on ne peut attribuer à Dieu les actions impies et ínjustes. On ne peut pas non plus les attribuer à la nécessité : car elles ne sont pas du nombre des choses qui ont toujours lieu de la même manière ; ni à la fatalité : car la fatalité a pour objet les choses nécessaires et non les contingentes ; ni à la nature : car la nature ne produit que les animaux et les plantes ; ni à la fortune : car les actions des hommes ne sont pas des choses rares et inattendues ; ni au hasard : car l’œuvre du hasard ne consiste que dans ce qui arrive par les êtres inanimés ou par les êtres irraisonnables.