Page:Plotin - Ennéades, t. II.djvu/98

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
48
TROISIÈME ENNÉADE.

effets s’en suivent, pourvu que l’on embrasse toute la série des causes. Or l’homme est une cause ; il fait donc le bien par sa propre nature, et il constitue une cause libre.

XI. Est-il vrai que toutes choses sont produites par la nécessité et par l’enchaînement naturel des causes et des effets[1], et qu’elles sont, de cette manière, aussi bonnes que possible ? — Non : c’est la Raison qui, en gouvernant le monde, produit toutes choses [en ce sens qu’elle en renferme les raisons[2]], et qui veut qu’elles soient telles qu’elles sont ; c’est elle qui produit conformément à sa nature rationnelle ce qu’on appelle des maux, parce qu’elle ne veut pas que tout soit également bon. Un artiste ne couvre pas d’yeux le corps de l’animal qu’il représente[3]. De même la Raison ne s’est pas bornée à faire des dieux ; elle a produit au-dessous d’eux des démons, puis des hommes, puis des bêtes, non par envie[4], mais parce que son essence rationnelle contient une variété intellectuelle [c’est-à-dire contient les raisons de tous les êtres divers][5]. Nous ressemblons à ces

    On ne peut donc attribuer les actes de l’homme qu’à lui seul : c’est lui qui en est le principe, et il les fait librement. (Némésius, De la Nature de l’homme, ch. XXXIX, p. 224 de la trad. de M. Thibault.) S. Augustin dit sur le même sujet : « Quod si neque sua neque aliena natura quis peccare cogitur, restat ut pro pria voluntate peccetur. Quod si tribuere volueris Creatori, peccantem purgabis qui nihil præter sui Conditoris institutes commisit, qui, si recte defenditur, non peccavit. Non est ergo quod tribuas Conditori… Omnino igitur non invenio, nec inveniri posse et prorsus non esse confirmo, quomodo tribuantur peccata Creatori nostro Deo. » (De Libero arbitrio, III, 16.)

  1. Voy. le livre précédent, § 7.
  2. Voy. t. I, p. 190.
  3. Cette conception d’un corps tout couvert d’yeux est une image orientale. On la trouve dans l’apocalypse de S. Jean (IV, 6) : « et quatuor animalia plena oculis ante et retro. »
  4. Voy. le passage du Timée cité dans les Éclaircissements sur ce livre, à la fin du volume.
  5. Non est vera ratio, sed invida infirmitas, quum aliquid melius faciendum fuisse cogitaveris, jam nihil inferius velle fieri, tanquam si perspecto cœlo nolles terram factam esse ; inique