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LIVRE TROISIÈME.


VI. La raison démontre donc qu’il y a un principe qui doit se connaître lui-même essentiellement. Mais cette connaissance de soi-même est plus parfaite dans l’intelligence que dans l’âme. L’âme ne se connaît elle-même qu’en tant qu’elle sait qu’elle dépend d’une autre puissance ; l’intelligence, en se tournant vers elle-même, connaît naturellement son existence et son essence[1]. En contemplant les réalités, elle se contemple elle-même ; cette contemplation est un acte, et cet acte est l’intelligence : car l’intelligence et la pensée ne font qu’une seule chose ; l’intelligence tout entière se voit elle-même tout entière, au lieu de voir une de ses parties par une autre partie. Est-il dans la nature de l’intelligence, telle que la conçoit la raison, de produire en nous une simple persuasion ? Non. L’intelligence implique nécessité [certitude] et non simple persuasion : car la nécessité est propre à l’intelligence ; la persuasion à l’âme. Ici-bas, il est vrai, nous cherchons plutôt à être persuadés qu’à voir la vérité par l’intelligence pure. Quand nous étions dans la région supérieure, satisfaits de l’intelligence, nous pensions et nous contemplions l’intelligible en ramenant toutes choses à l’unité. C’était l’intelligence qui pensait et qui parlait sur elle-même ; l’âme se reposait, et laissait agir l’intelligence. Mais, depuis que nous sommes descendus ici-bas, nous cherchons à produire dans l’âme la persuasion, parce que nous voulons contempler l’exemplaire dans son image.

Il faut donc enseigner à notre âme comment l’intelligence se contemple elle-même ; il faut l’enseigner, dis-je, à cette partie de notre âme que, vu son caractère intellectuel

  1. Proclus fait allusion à ces lignes dans sa Théologie selon Platon, I, 19, p. 52 : « L’âme explique l’intelligence, mais l’intelligence s’explique elle-même, comme Plotin le dit fort bien en traitant des hypostases intellectuelles. » Il faut lire dans ce passage de Proclus περὶ τῶν νοητῶν ὑποστάσεων (peri tôn noêtôn hupostaseôn) au lieu de ὑποϐάσεων (hupobaseôn) que porte le texte grec.