Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/103

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
42
CINQUIÈME ENNÉADE.


(νοερόν πως (noeron pôs), nous nommons raison ou intelligence discursive (διανοητιϰόν (dianoêtikon)), pour indiquer que c’est une espèce d’intelligence (νοῦν τίνα (noun tina)), qu’elle possède sa puissance par l’intelligence (διὰ νοῦ (dia nou)), qu’elle la tient de l’intelligence (παρὰ νοῦ (para nou)). Cette partie de l’âme doit donc connaître qu’elle connaît ce qu’elle voit, qu’elle sait ce qu’elle énonce, et que, si elle était identique aux choses qu’elle énonce, elle se connaîtrait par là elle-même. Mais, puisque les choses intelligibles lui viennent du même principe dont elle vient elle-même, puisqu’elle est une raison (λόγος (logos)), et qu’elle reçoit de l’intelligence des choses congénères, en les rapprochant des vestiges de l’intelligence qu’elle a en elle, elle doit se connaître elle-même. Qu’elle transporte donc cette image qu’elle a en elle à l’Intelligence véritable, qui est identique aux vrais intelligibles, c’est-à-dire aux êtres premiers et vraiment réels : car il est impossible que cette Intelligence sorte d’elle-même ? Si donc l’Intelligence reste en elle-même et avec elle-même, si elle est ce qu’il est dans son essence d’être, c’est-à-dire intelligence (car l’intelligence ne peut jamais être inintelligente), elle doit renfermer en elle la connaissance d’elle-même, puisqu’elle ne sort pas d’elle-même, que sa fonction et son essence consistent à être seulement intelligence[1]. Ce n’est pas une intelligence qui se livre à l’action (une intelligence pratique, πραϰτιϰός (praktikos)), obligée de regarder ce qui est hors d’elle et de sortir d’elle-même pour prendre connaissance des choses extérieures : car il n’est pas nécessaire qu’une intelligence qui se livre à l’action se connaisse elle-même. Ne se livrant pas à l’action (car, étant pure, elle n’a rien à désirer), elle opère une conversion vers elle-même, en vertu de laquelle il est non-seulement probable, mais encore nécessaire qu’elle se connaisse elle-même. Sinon, en quoi

  1. Voy. Porphyre, Principes de la théorie des intelligibles, § xxxii ; t. I, p. lxxi.