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CINQUIÈME ENNÉADE.


diffère des actes qu’il engendre, parce qu’il les engendre sans agir ; autrement, l’Intelligence ne serait pas le premier acte. Il ne faut pas croire en effet que l’Un ait désiré d’abord engendrer l’Intelligence, et l’ait engendrée ensuite, de telle sorte que ce désir ait été un intermédiaire entre le principe générateur et la chose engendrée. L’Un n’a pu rien désirer ; s’il eût désiré, il eût été imparfait, puisqu’il n’eût pas possédé encore ce qu’il désirait. On ne saurait d’ailleurs supposer qu’il manquât quelque chose à l’Un : car il n’y avait aucune chose vers laquelle il pût se porter. Il est donc évident que l’hypostase qui lui est inférieure a reçu de lui l’existence sans qu’il ait cessé de demeurer dans son état propre. Donc, pour qu’il y ait une hypostase inférieure à l’Un, il faut qu’il demeure parfaitement tranquille en lui-même ; autrement, il entrera en mouvement ; on imaginera en lui un mouvement avant le premier mouvement, une pensée avant la première pensée, son premier acte sera imparfait, ne consistera que dans une simple tendance. Mais à quoi peut tendre et que peut atteindre le premier acte de l’Un, si, ainsi que l’exige la raison, nous admettons que cet acte s’écoule de lui, comme la lumière émane du soleil ? Nous regarderons donc cet acte comme une lumière qui embrasse tout le monde intelligible ; nous placerons au sommet de ce monde et nous ferons régner sur lui l’Un immobile, sans le séparer de la lumière qui rayonne de lui. Ou bien, nous admettrons qu’il y a au-dessus de cette lumière une autre lumière, qui, tout en restant immobile, illumine l’intelligible. En effet, l’acte qui émane de l’Un, sans être séparé de lui, diffère de lui cependant. Il n’est pas d’ailleurs de nature à n’être pas une essence, ou à être aveugle ; il se contemple donc et se connaît lui-même ; il est par conséquent le premier principe connaissant (πρῶτον γιγνῶσϰον (prôton gignôskon)). Quant à l’Un, étant au-dessus de l’Intelligence, il est aussi au-dessus de la connaissance ; n’ayant besoin de rien, il n’a pas non plus besoin de connaître.