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LIVRE QUATRIÈME.


soient des corps, ni que l’Un, le Premier soit un corps ; tout corps est composé et engendré, par conséquent n’est pas principe : car le principe ne saurait être engendré[1]. Donc, puisque le Principe de tout ne peut être corporel, qu’il doit être essentiellement un, il doit être le Premier.

S’il existe quelque chose après l’Un, ce n’est plus l’Un simple, c’est l’un-multiple. D’où vient cet un-multiple ? du Premier évidemment : car on ne peut supposer qu’il vienne du hasard ; ce serait admettre que le Premier n’est pas le principe de tout. Comment donc l’un-multiple dérive-t-il du Premier ? Si le Premier est parfait et le plus parfait, s’il est la Puissance première (δύναμις ἡ πρώτη (dunamis hê prôtê)), il faut bien qu’il soit supérieur en puissance à tout le reste et que les autres puissances ne fassent que limiter dans la mesure de leurs forces. Or, nous voyons que tout ce qui arrive à la perfection ne peut se reposer stérilement en soi-même, mais engendre et produit. Non-seulement les êtres capables de choix, mais encore ceux qui sont privés de réflexion et même d’âme font participer, autant qu’ils le peuvent, les autres êtres à ce qui est en eux : ainsi, le feu émet de la chaleur, et la neige, du froid ; les sucs des plantes tendent à communiquer leurs propriétés. Toutes choses dans la nature imitent le Premier principe en engendrant pour arriver à la perpétuité et manifester leur bonté[2]. Comment donc Celui qui est souverainement parfait, qui est le Bien suprême resterait -il renfermé en lui-même, comme si un sentiment de jalousie l’empêchait de faire part de lui-même, ou comme s’il était impuissant, lui qui est la Puissance de toutes choses ? Comment alors serait-il encore principe ? Il faut donc qu’il engendre quelque

  1. La source de ces idées est dans le Parménide de Platon, notamment p. 154. Voy. aussi Cudworth, Systema intellectuale, IV, 36, p. 708, où ce passage de Plotin est cité et commenté.
  2. Voy. ci-dessus, liv. I, § 6, p. 14.