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LIVRE CINQUIÈME.


est assis immobile. Car il ne fallait pas que ce Dieu suprême s’avançât vers nous porté sur quelque chose d’inanimé, ni qu’il se manifestât immédiatement dans le sein même de l’Âme universelle, mais qu’il annonçât son approche en se faisant précéder par une éclatante beauté, comme il convenait à un grand Roi. Quand on s’élève à lui, on rencontre d’abord les choses qui par leur dignité inférieure sont placées aux premiers rangs du cortége, ensuite celles qui sont plus grandes et plus belles : autour du Roi se tiennent celles qui sont vraiment royales, et celles qui viennent après lui ont aussi leur prix. Enfin, après toutes ces choses, le grand Roi lui-même apparaît tout à coup à notre vue ; alors se prosternent et l’adorent ceux qui ne se sont pas déjà retirés, satisfaits d’avoir vu ce qui le précédait. Une différence profonde distingue le grand Roi de ceux qui le précèdent. Il ne faut cependant pas croire qu’il les gouverne comme un homme gouverne d’autres hommes. Il possède l’empire le plus juste et le plus naturel, la véritable royauté parce qu’il est le roi de la vérité, qu’il est le maître naturel de tous ces êtres qu’il a engendrés et qui forment son divin cortége. Il est le Roi du roi et des rois [c’est-à-dire le Roi de l’Intelligence et des intelligibles] ; il est appelé justement le Père des dieux. Jupiter même [qui est l’Âme universelle] l’imite sous ce rapport qu’il ne s’arrête pas à la contemplation de son père [qui est l’Intelligence], qu’il s’élève jusqu’à l’acte de son grand-père [qui est l’Un], dont il pénètre l’essence (ἐις ὑπόστασιν οὐσίας (eis hupostasin ousias)).

IV. Nous avons déjà dit qu’il faut s’élever au principe qui est un, réellement un, et non un de la même manière que les autres choses, lesquelles, multiples par elles-mêmes, ne

    intelligat omnia, et essendo intelligat, adeoque omnia intelligat, quia omnia est, nec aliter mens est quam quod ipsum ens sit et summa veritas, etc. » (Dogmata theologica, t. I, p. 138.)